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Prélude

ACTE PREMIER

SCÈNE PREMIÈRE

(Le théâtre représente un paysage.
Dans le fond, à gauche du spectateur, le château de Formoutiers, dont le pont-levis est praticable.
A droite, bosquets à travers lesquels on aperçoit l'entrée d'un ermitage. Des paysans et des paysannes sont occupés à dresser un berceau de feuillage et de fleurs.)


N° 1 - Introduction

RAlMBAUD
Jouvencelles, venez vite,
Ecoutez le sage ermite,
Il va paraître en ces lieux.
Qu'en rentrant à l'ermitage,
Il reçoive à son passage
Nos offrandes et nos voeux.

▼ALICE, LE CHOEUR▲
L'on respecte sa science
Car il donne l'opulence,
Le savoir et des époux.

▼RAIMBAUD▲
(cachant sous son manteau son habit de chevalier)
Taisez-vous, du silence;
II faut craindre sa puissance.
J'ai l'honneur de le servir.

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Il faut craindre sa puissance.

▼RAIMBAUD▲
Vous riez?

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Ah, ah, ah, quel plaisir!

▼RAIMBAUD▲
Quand on rit de ma puissance …

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Sire Robert, calmez-vous.

▼RAIMBAUD▲
… c'est le ciel que l'on offence.

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Nous allons obéir tous,
Mais apaisez votre courroux.

▼RAIMBAUD▲
Placez là sous cet ombrage
Et des fruits et du laitage.

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Allons, vite à l'ouvrage,
Préparons sous ce feuillage
Nos fruits les plus délicats.

▼RAIMBAUD▲
Allons, vite!

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Patience!

▼RAIMBAUD▲
Mais plus vite!

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Patience,
Sire Robert, patience,
Surtout ne vous fâchez pas.

▼RAIMBAUD▲
(d'un air d'impatience)
Placez aussi sur la table
Quelques flacons de vin vieux;
Car c'est un présent des cieux!

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Plaçons aussi sur la table
Quelques flacons de vin vieux;
Car c'est un présent des cieux!


SCÈNE DEUXIÈME

▼RAGONDE▲
(sortant du château, à gauche)
Quand Madame la Comtesse
Est, hélas! dans la tristesse,
Pourquoi donc ces chants d'allégresse
De la part de ses vassaux?
Quand on aime sa maîtresse,
On s'afflige de ses maux.

Elle veut au bon ermite
Dans ce jour rendre visite,
Pour que du mal qui l'agite
Il cherche à la délivrer.

▼ALICE, LE CHOEUR▲
Quel bonheur, quelle allégresse!
Le ciel vient de l'inspirer.

▼RAIMBAUD▲
Elle est sauvée. Oui, la Comtesse
Ne pouvait mieux rencontrer.

▼RAGONDE▲
Vues croyez que sa science
Peut nous rendre l'espérance?

▼RAIMBAUD▲
Rien n'égale sa science:
Mainte veuve, grâce à lui,
A retrouvé son mari.

▼RAGONDE▲
Ah! Je veux aussi l'entendre.
Près de lui je veux me rendre,
S'il est vrai qu'un coeur trop tendre
Par lui puisse être guéri.
Ce saint homme que j'implore
A nos voeux rendre l'espoir!

▼ALICE, RAIMBAUD▲
Il pourrait bien plus encore;
Dans ces lieux chacun l'honore,
Rien n'égale son pouvoir!

▼LE CHOEUR▲
En ces lieux chacun l'honore,
Rien n'égale son pouvoir!


SCÈNE TROISIÈME

▼LE COMTE ORY▲
(déguisé en ermite avec une longue barbe)
Que les destins prospères
Accueillent vos prières!
La paix du ciel, mes frères,
Soit toujours avec vous!

Veuves ou demoiselles,
Dans vos peines cruelles,
Venez à moi, mes belles,
Obliger est si doux!

J'accorde les familles,
Et même aux jeunes filles
Je donne des époux.

Oui, venez tous, venez.

Que les destins prospères (etc.)

▼RAGONDE▲
Je viens à vous!

▼LE COMTE ORY▲
(la regardant)
Parlez, dame… trop respectable.
Vous aussi, mes enfants. A vos voeux, favorable,
Je puis tout accorder. Parlez:
Tous vos souhaits seront comblés.

▼LE CHOEUR▲
(se pressant autour du Comte)
Ah! quel saint personnage!
C'est le bienfaiteur du village.

▼RAGONDE▲
De grâce, parlons tous
L'un après l'autre.

▼LE COMTE ORY▲
Quel désir est le vôtre?
Que me demandez-vous?

▼ALICE, RAGONDE, RAIMBAUD, LE CHOEUR▲
Parlons l'un après l'autre.
Silence! taisez-vous.

▼UN PAYSAN▲
Moi, je réclame
Pour que ma femme
Dans mon ménage
Soit toujours sage.

▼LE COMTE ORY▲
C'est bien, c'est bien.

▼ALICE▲
Moi, je vous prie,
J'ai tant d'envie
Qu'on me marie
Au beau Julien!

▼LE COMTE ORY▲
C'est bien, c'est bien.

▼RAGONDE▲
Moi, je demande
Faveur bien grande:
Qu'aujourd'hui même
L'époux que j'aime
Ici revienne
Finir ma peine;
Que je l'obtienne,
C'est mon seul bien.

▼LE COMTE ORY▲
Bien. Bon.
(Qu'un bon ermite
Qu'on sollicite,
Qu'un bon ermite
A de mérite!
(se retournant vers les jeunes filles)
Jeune fillette,
Et bachelette,
Dans ma retraite,
Viendra ce soir.)

▼RAIMBAUD▲
Il fautt nous rendre
A l'ermitage.
Rendons hommage
A son pouvoir.

▼LE COMTE ORY▲
(Bonheur suprême!
En ma retraite
Jeune fillette
Viendra ce soir.)

▼ALICE, RAGONDE, LE CHOEUR▲
(entourant le Comte)
Oui, bon ermite,
Je sollicite
Faveur bien grande,
Et je demande
De la tendresse,
De la jeunesse,
De la richesse:
Exaucez-nous.

Tout le village
Vous rend hommage…
A l'ermitage
Nous irons tons.

▼ALICE, RAGONDE, RAIMBAUD, LE CHOEUR▲
Tout le village, (etc.)
Allons tous!

▼LE COMTE ORY▲
Tout le village
Me rond hommage…
A l'ermitage
Accourez tous.
Venez tous!
L'un après l'autre,
Mes chers enfants!

▼UN PAYSAN▲
Moi, je réclame (etc.)

▼RAGONDE▲
De grâce, encore un mot. Il s'agit de Madame.
Tandis que nos preux chevaliers
Que l'amour de la gloire enflamme,
Dans les champs musulmans moissonnent des lauriers,
Leurs femmes et leurs soeurs, bien qu'à la fleur de l'âge,
Ont juré comme moi de passer leur veuvage
Dans le châteaux de Formoutiers.

▼LE COMTE ORY▲
(Où tant d'attraits sont prisonniers.)
C'est le château de la belle Comtesse…

▼RAGONDE▲
… Dont le frère aux combats a suivi nos guerriers.
Et cette noble châtelaine,
Sur un mal inconnu qui cause notre peine,
Veut aujourd'hui vous consulter.

▼LE COMTE ORY▲
(Ah! quel bonheur!) Près de moi qu'elle vienne,
Mon devoir est de l'assister.
J'espère dans mon zèle lui rendre le repos;
Retournez auprès d'elle, allez à vos travaux.
Je vais en attendant dans mon humble chaumière
De ces jeunes beautés accueillir la prière.

▼ALICE, RAGONDE, RAIMBAUD, LE CHOEUR▲
Saint personnage,
Tout le village
Vient rendre hommage
A vos vertus.

▼LE COMTE ORY▲
Tout le village
Me rend hommage…
A l'ermitage
Accourez tous.

(Le Comte remonte à son ermitage, suivi de toutes les jeunes filles.
Ragonde rentre au château. Les paysans s'en vont.
Arrivent le Gouverneur et Isolier.)


SCÈNE QUATRIÈME

▼LE GOUVERNEUR▲
Je ne puis plus longtemps voyager de la sorte.

▼ISOLIER▲
Eh bien! reposons-nous sous ces ombrages frais.

▼LE GOUVERNEUR▲
Pourquoi m'avoir forcé de quitter notre escorte
Et m'amener ici?

▼ISOLIER▲
(J'avais bien mes projets…
Voilà donc le château de ma belle cousine!
Si je pouvais l'entrevoir… quel bonheur!
Mais, loin de partager l'ardeur qui me domine,
Elle ferme à l'amour son castel et son coeur.)
(au Gouverneur, qui s'est assis)
Eh bien! monsieur le Gouverneur,
Reprenez-vous un peu courage?

▼LE GOUVERNEUR▲
Maudit emploi! maudit message!
Monseigneur notre prince, auquel je suis soumis,
M'ordonne de chercher le comte Ory, son fils,
Ce démon incarné, mon élève et mon maître,
Qui, sans mon ordre, hélas! loin de la cour
S'est avisé de disparaître.

▼ISOLIER▲
(Pour jouer quelque nouveau tour.)

▼LE GOUVERNEUR▲
On le disait caché dans ce séjour.
Comment l'y découvrir?… comment l'y reconnaître?

▼ISOLIER▲
Vous devez tout savoir… d'être son gouverneur
N'avez-vous pas l'honneur?

▼LE GOUVERNEUR▲
Ah! quel honneur!

N° 2 - Air

▼LE GOUVERNEUR▲
Veiller sans cesse,
Craindre toujours
Pour Son Altesse
Ou peur mes jours.

Du gouverneur
D'un grand seigneur,
Voilà les profits et l'honneur.
Quel honneur d'être gouverneur!

A la guerre, comme à la chasse,
Si quelque péril le menace,
Il faut partout suivre ses pas,
Dût-il vous mener au trépas!

Veiller sans cesse,
Trembler toujours
Pour Son Altesse
Ou pour mes jours…

Du gouverneur (etc.)

Et s'il est épris d'une belle,
Il me faut courir après elle;
Tout en lui faisant des sermons
Sur le danger des passions.

Veiller sans cesse,
Courir toujours,
Pour Son Altesse
Ou ses amours.

Du gouverneur (etc.)


SCÈNE CINQUIÈME

▼CHŒUR DE PAYSANNES▲
Vous, notre appui,
Et notre ami,
Bien grand merci!
J'irai toujours vous voir,
Ô bon ermite.

Ô saint prophète,
Soyez béni!
Puissant prophète,
Soyez béni!

Jeune fillette
Ah, grâce à lui,
Fortune faite,
Et bon mari.

▼LE GOUVERNEUR▲
(regardant les jeunes filles)
(Je vois paraître
Minois joli;
Ah! mou cher maître
Doit être près d'ici.)

Jeunes fillettes, de grâce dites-moi
Depuis quel tempe dans ce village
Ce bon ermite est-il venu?

▼LE CHŒUR▲
Voilà huit jours…

▼LE GOUVERNEUR▲
Qu'ai-je entendu?
Voilà huit jours…

▼LE CHŒUR▲
Pas davantage!

▼LE GOUVERNEUR▲
… que cotre maître a disparu!
C'est bien huit jours?

▼LE CHŒUR▲
Oui, c'est huit jours, pas davantage.

▼LE GOUVERNEUR▲
Voilà huit jours que autre maître a disparu!

Cette aventure fort singulière
Cache à mes yeux quelque mystère:
Ce bon ermite que l'on révère
Au fondd de l'âme est-il sincere?

Lui qu'on adore,
Lui qu'on implore,
Serait-ce encore le comte Ory?

Ruse anodine,
Je te devine,
Oui j'en suis sûr, c'est encore lui.

▼LE CHOEUR▲
Mais qu'a-t-il donc, ce voyageur,
II n'a pas l'air de bonne humeur.
Il faut nous éloigner, aussi
Sortons d'ici, partons d'ici.

▼LE GOUVERNEUR▲
Lai qu'on adore, (etc.)
C'est encore lui.

Cette aventure (etc.)

▼LE GOUVERNEUR▲
(retenant Alice, qui reste la dernière)
Cet ermite, ma belle enfant,
Où pourrais-je le voir?

▼ALICE▲
Ici même… à l'instant
Il va venir… Madame la Comtesse
A désiré le consulter.

▼ISOLIER▲
Vraiment!

▼ALICE▲
Sur un mal inconnu qui l'accable et l'oppresse.

▼LE GOUVERNEUR▲
Merci, ma belle enfant.
Il doit donc venir dans l'instant!

▼ISOLIER▲
(Elle va venir dans l'instant!)

▼LE GOUVERNEUR▲
(Cette belle Comtesse au minois séduisant!
Ceci me semble encore une preuve plus forte.)
(à Isolier)
Attendez-moi… je vais retrouver notre escorte.
(Puis ensemble vous reviendrons,
Pour confirmer, ou bien dissiper mes soupçons.)


SCÈNE SIXIÈME

▼ISOLIER▲
Je vais revoir la beauté qui m'est chère…
Mais comment désarmer cette vertu si fière?
Comment, en ma faveur, la toucher aujourd'hui?
Si cet ermite, ce bon père,
Voulait m'aider… oh! non … ce serait trop hardi…
Allons! … ne suis-je pas page du comte Ory?


SCÈNE SEPTIÈME

▼ISOLIER▲
Salut, ô vénérable ermite!

▼LE COMTE ORY▲
(avec un geste de surprise)
(C'est mon page! sachons le dessein qu'il médite.)
Qui vers moi vous amène, ô charmant Isolier?

▼ISOLIER▲
II me connaît!

▼LE COMTE ORY▲
Tel est l'effet de ma science.

▼ISOLIER▲
Un aussi grand savoir ne peut trop se payer,
(lui donnant une bourse)
Et cette offrande est bien faible, je pense.

▼LE COMTE ORY▲
(prenant la bourse)
N'importe… à moi vous pouvez vous fier:
Parlez, parlez, beau page.


N° 3 - Duo

▼ISOLIER▲
Une dame de haut parage
Tient mon coeur en un doux servage,
Et je brûle pour ses attraits.

▼LE COMTE ORY▲
Je n'y vois point de mal… après?

▼ISOLIER▲
Je croyais avoir su lui plaire;
Et pourtant son cœur trop sévère
Se dérobe à mes projets.

▼LE COMTE ORY▲
Je n'y vois point de mal…, après?

▼ISOLIER▲
Et jusqu'au retour de son frère,
Qui des croisés suit la bannière,
Aucun amant, aucun mortel
Ne peut entrer dans ce castel.

▼LE COMTE ORY▲
(Celui de la Comtesse… ô ciel!)

▼ISOLIER▲
Pour y pénétrer, comment faire?
J'avais bien un moyen fort beau;
Mais je le crois trop téméraire.

▼LE COMTE ORY▲
Parlez… parlez…, beau jouvenceau.

▼ISOLIER▲
Je voulais, d'une pèlerine
Prenant la cape et le manteau,
M'introduire dans ce château.

▼LE COMTE ORY▲
Bien! bien…, le moyen est nouveau.
(On peut s'en servir, j'imagine.)

Noble page do comte Ory,
Serez un jour digne de lui!
(Voyez donc, voyez donc le traître!
Oser jouter contre son maitre.)

▼ISOLIER▲
A l'instant je me sens renaître:
Quel bon moyen, quel coup de maître…

▼LE COMTE ORY▲
(Mais je le tiens, et l'on verra
Qui de nous deux l'emportera.)

▼ISOLIER▲
Qui, je le tiens, et vois déjà
Que son pouvoir me servira.

Mais d'abord ce projet réclame
Vos soins pour être exécuté.

▼LE COMTE ORY▲
Comment?

▼ISOLIER▲
Par cette noble dame
Vous allez être consulté.

▼LE COMTE ORY▲
(C'est qu'il sait tout, en vérité.)

▼ISOLIER▲
Dites-lui que l'indifférence
Cause, hélas! son tourment fatal.

▼LE COMTE ORY▲
J'entends! j'entends… ce c'est pas mal.

▼ISOLIER▲
Et pour guérir à l'instant même,
Dites-lui… qu'il faut qu'elle m'aime.

▼LE COMTE ORY▲
J'entends! j'entends… ce c'est pas mal.
Je lui dirai qu'il faut qu'elle aime…
(Mais un autre que mon rival…)

▼ISOLIER▲
Dites-lui bien qu'il faut qu'elle aime.

▼LE COMTE ORY▲
Noble page du comte Ory, (etc.)


SCÈNE HUITIÈME

Marche

▼LA COMTESSE▲
(apercevant Isolier)
Isolier dans ces lieux!

▼ISOLIER▲
Sur le mal qui m'agite
Je venais consulter aussi le bon
ermite.

▼LE COMTE ORY▲
Je dois à tous les malheureux
Mes consolations, mes conseils et mes voeux.


N° 4 - Air

▼LA COMTESSE▲
(s'approchant du comte Ory)
En proie à la tristesse,
Ne plus goûter d'ivresse
Au sein de sa jeunesse,
Souffrir, gémir sans cesse,
Voilà quel est mon sort.
Se flétrir en silence,
N'espérer que la mort.
Hélas, quelle souffrance.

Ô peine horrible!
Vous que l'on dit sensible,
Daignez, s'il est possible,
Guérir le mal terrible
Dont je me sens mourir!
Soulagez ma douleur,
Rendez-moi le bonheur.

▼LE CHOEUR▲
Calmez tant de souffrance,
Calmez tant de douleur!
Et que votre science
Lui rende le bonheur.

▼LA COMTESSE▲
Faut-il mourir de ma souffrance?
Hélas, hélas, plus d'espérance!
Ciel!
Ô peine horrible! (etc.)
Soulagez ma douleur,
Rendez-moi le bonheur.

▼LE CHOEUR▲
Ah, calmez tant de douleur!

▼ISOLIER▲
(au Comte)
Vous avez entendu sa touchante prière!
Voici le vrai moment, soyez à moi, mon père!

▼LE COMTE ORY▲
(à la Comtesse)
Si dans mon assistance
Vous avez confiance,
Je puis en conscience
Guérir votre douleur

Du mal qui vous dévore
La source est dans le coeur.
Aimez, aimez encore
Pour renaître au bonheur.

▼LA COMTESSE▲
D'un éternel veuvage
Un serment fut le gaga.
Et j'irais le trahir?
Plutôt, plutôt mourir.

▼LE COMTE ORY▲
Le ciel vous en dégage.
Il ordonne que de vos jours
La flamme se ranime
Au flambeau des amours.

▼LA COMTESSE▲
Céleste providence,
Je te bénis de ta clémence!

Ô bon ermite,
Votre mérite
En mes beaux jours
Vivra/Viendra toujours.

LE COMTE, puis ISOLIER
Toujours, toujours.

▼LA COMTESSE▲
(à Isolier)
Isolier, que ta présence
Me fait naître un doux émoi.
Cher lsolier, je veux t'aimer,
Je ne veux aimer que toi.

▼LE CHOEUR▲
On voit que sa parole
Paraît la ranimer.
Le mai qui la désole
Commence à se calmer.

▼LA COMTESSE▲
Déjà je sens
Les feux brûlants
De la jeunesse
Par la tendresse
Se rallumer.

Ô bon ermite, (etc.)

▼ISOLIER▲
(au Comte)
C'est bien… je suis content.

▼LE COMTE ORY▲
(à la Comtesse)
Encore un mot, de grâce.
D'un grand péril qui vous menace
Je dois vous prévenir! … il faut vous défier…

▼LA COMTESSE▲
De qui?

▼LE COMTE ORY▲
De ce jeune Isolier.

▼LA COMTESSE▲
Ô ciel!

▼LE COMTE ORY▲
C'est le fidèle page
De ce terrible comte Ory,
Dont les galants exploits…
Mais ici… devant lui,
Je n'oserais en dire davantage.
Entrons dans ce castel.

▼LA COMTESSE▲
Mon coeur en a frémi!
(au Comte)
Ô mon sauveur!. … ô mon unique appui!
Venez, venez!

(Elle prend le Comte par la main et va l'entraîner dans le château. Toutes les dames les suivent Le comte Ory a déjà le pied sur le pont-levis et, en raillant Isolierr, fait un geste de joie.

A ce moment entre te Gouverneur, suivi de tous les chevaliers de son escorte.)


SCÈNE NEUVIÈME

▼LE GOUVERNEUR, LES CHEVALIERS▲
Nous saurons bien le reconnaître.
Avançons…

▼LE GOUVERNEUR▲
(apercevant Raimbaud, qui est en paysan)
Qu'ai-je vu!… c'est Raimbaud,
Le confident, l'ami de notre maître!

▼RAIMBAUD▲
Taisez-vous donc, ne dites mot.

▼LE GOUVERNEUR▲
Plus de doute, plus de mystère,
(montrant l'ermite)
C'est Monseigneur! c'est lui!

▼LE COMTE CRY▲
(Misérable! crains ma colére.)

▼TOUS LES CHEVALIERS▲
(s'inclinant)
C'est le comte Ory!

▼LES DAMES▲
(s'éloignant avec effroi et se réfugiant dans un coin)
Le comte Ory!

▼LE COMTE ORY▲
Eh bien! oui … le voici.


N° 5 - Finale

▼TOUS▲
Ciel!

LA COMTESSE, ALICE, RAGONDE, puis ISOLIER
Ô terreur, ô peine extrême,
Quel indigne stratagème!
Mon coeur bat d'effroi, d'horreur.
Quel effroi saisit mon coeur!
Quel effroi s'empare de mon coeur!
Oui, l'effroi vient agiter mon coeur.

▼LE GOUVERNEUR▲
Ô bonheur (ô plaisir), ô joie extrême,
On connait son stratagème,
Tout s'oppose à son bonheur.
Ciel! L'espoir fuit de son cœur
(Pour moi, quel bonheur!)
La rage est dans son coeur

▼LE COMTE ORY▲
Plus d'espoir, ô peine extrême,
Tout s'oppose à mon bonheur.
Ah, l'espoir me fuit encore.
Quel effroi, hélas!
L'espoir fuit de mon coeur
La rage est dans mon coeur,
La fureur vient agiter mon coeur.

▼RAIMBAUD▲
Plus d'espoir, ô peine extrême,
Tout s'oppose à son bonheur.
Le dépit augmente encore.
Ô douleur, ciel!
Quel malheur, quel effroi!
L'espoir fuit de son cœur

▼RAGONDE▲
Cet écrit, noble châtelaine,
Vous vient de lointains pays.
Il apporte, j'en suis certaine,
Des nouvelles de nos maris.

▼LE COMTE ORY▲
(Encore une disgrâce.)

TOUS sauf LA COMTESSE
Lisez, cédez, de grâce.

▼LE GOUVERNEUR▲
Seigneur, adieu plaisir!

▼ALICE, RAGONDE, ISOLIER, LE CHOEUR▲
Cédez à mon désir.

▼LE COMTE ORY, RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR, LE CHOEUR▲
Il faut se contenir.

▼LA COMTESSE▲
(lisant)
«Madame et soeur chérie,
La croisade est finie,
Et dans outre patrie
Nous revenons enfin.»

TOUS sauf LA COMTESSE
(avec joie)
Ls croisade eut finie
Et tous dans leur patrie
Ils reviennent enfin.»

▼RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR▲
Fatal destin!

▼LA COMTESSE▲
(lisant)
«On nous a vus sans crainte
Purger la Terre sainte
Et notre épée est teinte
Du sang du Sarrasin.»

TOUS saut LA COMTESSE
On les a vus sans crainte
Purger la Terre sainte
Et leur épée est teinte
Du sang du Sarrasin.

▼RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR▲
Fatal destin!

▼LA COMTESSE▲
(lisant)
«Nous partons pour la France
Et nous suivrons, je pense,
A deux jours de distance
Ce message certain.»

▼ALICE, RAGONDE, ISOLIER, LE CHOEUR▲
Telle est notre espérance.
Ils suivent vers la France
A deux jours de distance
Ce message certain.

▼LE COMTE ORY, RAIMBAUD, LE CHOEUR▲
Hélas, plus d'espérance.
Ils suivent vers la France (etc.)

▼LE GOUVERNEUR▲
Pour lui, plus d'espérance.
Ils suivent vers la France (etc.)

▼RAGONDE▲
Vous viendrez, ô seigneur Comte,
Partager nos transports.

▼LE COMTE ORY▲
Je partage vos transports.

▼LA COMTESSE▲
Partagez nos transports.

▼LE COMTE ORY▲
(Sachons venger ma honte
Par de nouveaux succès.)
(à Raimbaud)
Un jour me reste encore,
Qu'il serve à mes projets.

▼RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR▲
Allons, partons.
Surveillons ses projets.

▼LA COMTESSE▲
Quand mon coeur tremble encore
De ses affreux projets,
Celui que seul j'adore
Va me rendre la paix.

▼ALICE, ISOLIER▲
Quand mon coeur tremble encore
De ses affreux projets,
Le frère qu'elle adore
Va lui rendre la paix.

▼RAGONDE▲
Quand mon coeur tremble encore
De ses affreux projets,
L'époux que seul j'adore
Va me rendre la paix.

▼LE COMTE ORY, SES COMPAGNONS▲
(Un jour me/nous reste encore,
Qu'il serve à nos projets.)

▼LE CHOEUR▲
Hélas! je tremble encore
De ses affreux projets.

▼LE COMTE ORY▲
Venez, amis, retirons-nous
Et dans notre retraite
Assurons ma conquête
Et du destin bravons les coups.

La nuit,
sans bruit,
Sachons en dépit des jaloux
Du sort braver les coups.

▼ISOLIER▲
A tout ce qu'il projette
Avec adresse opposons-nous.
Sachons parer ses coups.

▼LA COMTESSE▲
Déjà le sort dans sa rigueur
N'a plus rien qui m'alarme.
Un espoir plein de charme
Déjà fait battre mon coeur.
Déjà l'espoir fait palpiter mon coeur
De joie et de bonheur.

▼RAGONDE▲
Celui qui sut toucher mon coeur
Va me rendre au bonheur.
Je sens (déjà) battre mon coeur,
D'amour et de bonheur.

▼RAIMBAUD▲
Allons, sortons,
Allons avec prudence.
Méditer en silence
Et de notre vengeance
Le succès est certain.
Bravons le seigneur châtelain.

▼LE GOUVERNEUR▲
Repartons en silence.
Il faut avec prudence
Eviter la vengeance
Du seigneur châtelain.
Je crains le seigneur châtelain.

▼LE COMTE ORY▲
Allons, sortons!

▼LES DAMES, ISOLIER▲
Allons, rentrons.

▼LES DAMES, ISOLIER, LE CHOEUR▲
Aux chants de la victoire
Allons mêler nos voix.
Des preux chantons la gloire
Et les brillants exploits.
Chantons tous leurs exploits!

▼RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR▲
Sachons par la victoire
Assurer tous nos droits.
On trouve aussi la gloire
Dans nos galants exploits.
Partons, on parlera de nos exploits.

▼LE COMTE ORY, SES COMPAGNONS▲
Sachons par la victoire
Les soumettre à nos lois.
On trouve aussi la gloire
Dans nos galants exploits.
Partons, on parlera de nos exploits.

▼LE COMTE ORY▲
Venez amis, retirons-nous (etc.)
Prélude

ACTE PREMIER

SCÈNE PREMIÈRE

Le théâtre représente un paysage.
Dans le fond, à gauche du spectateur, le château de Formoutiers, dont le pont-levis est praticable.
A droite, bosquets à travers lesquels on aperçoit l'entrée d'un ermitage. Des paysans et des paysannes sont occupés à dresser un berceau de feuillage et de fleurs.


N° 1 - Introduction

RAlMBAUD
Jouvencelles, venez vite,
Ecoutez le sage ermite,
Il va paraître en ces lieux.
Qu'en rentrant à l'ermitage,
Il reçoive à son passage
Nos offrandes et nos voeux.

ALICE, LE CHOEUR
L'on respecte sa science
Car il donne l'opulence,
Le savoir et des époux.

RAIMBAUD
cachant sous son manteau son habit de chevalier
Taisez-vous, du silence;
II faut craindre sa puissance.
J'ai l'honneur de le servir.

ALICE, LE CHOEUR
Il faut craindre sa puissance.

RAIMBAUD
Vous riez?

ALICE, LE CHOEUR
Ah, ah, ah, quel plaisir!

RAIMBAUD
Quand on rit de ma puissance …

ALICE, LE CHOEUR
Sire Robert, calmez-vous.

RAIMBAUD
… c'est le ciel que l'on offence.

ALICE, LE CHOEUR
Nous allons obéir tous,
Mais apaisez votre courroux.

RAIMBAUD
Placez là sous cet ombrage
Et des fruits et du laitage.

ALICE, LE CHOEUR
Allons, vite à l'ouvrage,
Préparons sous ce feuillage
Nos fruits les plus délicats.

RAIMBAUD
Allons, vite!

ALICE, LE CHOEUR
Patience!

RAIMBAUD
Mais plus vite!

ALICE, LE CHOEUR
Patience,
Sire Robert, patience,
Surtout ne vous fâchez pas.

RAIMBAUD
d'un air d'impatience
Placez aussi sur la table
Quelques flacons de vin vieux;
Car c'est un présent des cieux!

ALICE, LE CHOEUR
Plaçons aussi sur la table
Quelques flacons de vin vieux;
Car c'est un présent des cieux!


SCÈNE DEUXIÈME

RAGONDE
sortant du château, à gauche
Quand Madame la Comtesse
Est, hélas! dans la tristesse,
Pourquoi donc ces chants d'allégresse
De la part de ses vassaux?
Quand on aime sa maîtresse,
On s'afflige de ses maux.

Elle veut au bon ermite
Dans ce jour rendre visite,
Pour que du mal qui l'agite
Il cherche à la délivrer.

ALICE, LE CHOEUR
Quel bonheur, quelle allégresse!
Le ciel vient de l'inspirer.

RAIMBAUD
Elle est sauvée. Oui, la Comtesse
Ne pouvait mieux rencontrer.

RAGONDE
Vues croyez que sa science
Peut nous rendre l'espérance?

RAIMBAUD
Rien n'égale sa science:
Mainte veuve, grâce à lui,
A retrouvé son mari.

RAGONDE
Ah! Je veux aussi l'entendre.
Près de lui je veux me rendre,
S'il est vrai qu'un coeur trop tendre
Par lui puisse être guéri.
Ce saint homme que j'implore
A nos voeux rendre l'espoir!

ALICE, RAIMBAUD
Il pourrait bien plus encore;
Dans ces lieux chacun l'honore,
Rien n'égale son pouvoir!

LE CHOEUR
En ces lieux chacun l'honore,
Rien n'égale son pouvoir!


SCÈNE TROISIÈME

LE COMTE ORY
déguisé en ermite avec une longue barbe
Que les destins prospères
Accueillent vos prières!
La paix du ciel, mes frères,
Soit toujours avec vous!

Veuves ou demoiselles,
Dans vos peines cruelles,
Venez à moi, mes belles,
Obliger est si doux!

J'accorde les familles,
Et même aux jeunes filles
Je donne des époux.

Oui, venez tous, venez.

Que les destins prospères etc.

RAGONDE
Je viens à vous!

LE COMTE ORY
la regardant
Parlez, dame… trop respectable.
Vous aussi, mes enfants. A vos voeux, favorable,
Je puis tout accorder. Parlez:
Tous vos souhaits seront comblés.

LE CHOEUR
se pressant autour du Comte
Ah! quel saint personnage!
C'est le bienfaiteur du village.

RAGONDE
De grâce, parlons tous
L'un après l'autre.

LE COMTE ORY
Quel désir est le vôtre?
Que me demandez-vous?

ALICE, RAGONDE, RAIMBAUD, LE CHOEUR
Parlons l'un après l'autre.
Silence! taisez-vous.

UN PAYSAN
Moi, je réclame
Pour que ma femme
Dans mon ménage
Soit toujours sage.

LE COMTE ORY
C'est bien, c'est bien.

ALICE
Moi, je vous prie,
J'ai tant d'envie
Qu'on me marie
Au beau Julien!

LE COMTE ORY
C'est bien, c'est bien.

RAGONDE
Moi, je demande
Faveur bien grande:
Qu'aujourd'hui même
L'époux que j'aime
Ici revienne
Finir ma peine;
Que je l'obtienne,
C'est mon seul bien.

LE COMTE ORY
Bien. Bon.
(Qu'un bon ermite
Qu'on sollicite,
Qu'un bon ermite
A de mérite!
se retournant vers les jeunes filles
Jeune fillette,
Et bachelette,
Dans ma retraite,
Viendra ce soir.)

RAIMBAUD
Il fautt nous rendre
A l'ermitage.
Rendons hommage
A son pouvoir.

LE COMTE ORY
(Bonheur suprême!
En ma retraite
Jeune fillette
Viendra ce soir.)

ALICE, RAGONDE, LE CHOEUR
entourant le Comte
Oui, bon ermite,
Je sollicite
Faveur bien grande,
Et je demande
De la tendresse,
De la jeunesse,
De la richesse:
Exaucez-nous.

Tout le village
Vous rend hommage…
A l'ermitage
Nous irons tons.

ALICE, RAGONDE, RAIMBAUD, LE CHOEUR
Tout le village, etc.
Allons tous!

LE COMTE ORY
Tout le village
Me rond hommage…
A l'ermitage
Accourez tous.
Venez tous!
L'un après l'autre,
Mes chers enfants!

UN PAYSAN
Moi, je réclame etc.

RAGONDE
De grâce, encore un mot. Il s'agit de Madame.
Tandis que nos preux chevaliers
Que l'amour de la gloire enflamme,
Dans les champs musulmans moissonnent des lauriers,
Leurs femmes et leurs soeurs, bien qu'à la fleur de l'âge,
Ont juré comme moi de passer leur veuvage
Dans le châteaux de Formoutiers.

LE COMTE ORY
(Où tant d'attraits sont prisonniers.)
C'est le château de la belle Comtesse…

RAGONDE
… Dont le frère aux combats a suivi nos guerriers.
Et cette noble châtelaine,
Sur un mal inconnu qui cause notre peine,
Veut aujourd'hui vous consulter.

LE COMTE ORY
(Ah! quel bonheur!) Près de moi qu'elle vienne,
Mon devoir est de l'assister.
J'espère dans mon zèle lui rendre le repos;
Retournez auprès d'elle, allez à vos travaux.
Je vais en attendant dans mon humble chaumière
De ces jeunes beautés accueillir la prière.

ALICE, RAGONDE, RAIMBAUD, LE CHOEUR
Saint personnage,
Tout le village
Vient rendre hommage
A vos vertus.

LE COMTE ORY
Tout le village
Me rend hommage…
A l'ermitage
Accourez tous.

Le Comte remonte à son ermitage, suivi de toutes les jeunes filles.
Ragonde rentre au château. Les paysans s'en vont.
Arrivent le Gouverneur et Isolier.


SCÈNE QUATRIÈME

LE GOUVERNEUR
Je ne puis plus longtemps voyager de la sorte.

ISOLIER
Eh bien! reposons-nous sous ces ombrages frais.

LE GOUVERNEUR
Pourquoi m'avoir forcé de quitter notre escorte
Et m'amener ici?

ISOLIER
(J'avais bien mes projets…
Voilà donc le château de ma belle cousine!
Si je pouvais l'entrevoir… quel bonheur!
Mais, loin de partager l'ardeur qui me domine,
Elle ferme à l'amour son castel et son coeur.)
au Gouverneur, qui s'est assis
Eh bien! monsieur le Gouverneur,
Reprenez-vous un peu courage?

LE GOUVERNEUR
Maudit emploi! maudit message!
Monseigneur notre prince, auquel je suis soumis,
M'ordonne de chercher le comte Ory, son fils,
Ce démon incarné, mon élève et mon maître,
Qui, sans mon ordre, hélas! loin de la cour
S'est avisé de disparaître.

ISOLIER
(Pour jouer quelque nouveau tour.)

LE GOUVERNEUR
On le disait caché dans ce séjour.
Comment l'y découvrir?… comment l'y reconnaître?

ISOLIER
Vous devez tout savoir… d'être son gouverneur
N'avez-vous pas l'honneur?

LE GOUVERNEUR
Ah! quel honneur!

N° 2 - Air

LE GOUVERNEUR
Veiller sans cesse,
Craindre toujours
Pour Son Altesse
Ou peur mes jours.

Du gouverneur
D'un grand seigneur,
Voilà les profits et l'honneur.
Quel honneur d'être gouverneur!

A la guerre, comme à la chasse,
Si quelque péril le menace,
Il faut partout suivre ses pas,
Dût-il vous mener au trépas!

Veiller sans cesse,
Trembler toujours
Pour Son Altesse
Ou pour mes jours…

Du gouverneur etc.

Et s'il est épris d'une belle,
Il me faut courir après elle;
Tout en lui faisant des sermons
Sur le danger des passions.

Veiller sans cesse,
Courir toujours,
Pour Son Altesse
Ou ses amours.

Du gouverneur etc.


SCÈNE CINQUIÈME

CHŒUR DE PAYSANNES
Vous, notre appui,
Et notre ami,
Bien grand merci!
J'irai toujours vous voir,
Ô bon ermite.

Ô saint prophète,
Soyez béni!
Puissant prophète,
Soyez béni!

Jeune fillette
Ah, grâce à lui,
Fortune faite,
Et bon mari.

LE GOUVERNEUR
regardant les jeunes filles
(Je vois paraître
Minois joli;
Ah! mou cher maître
Doit être près d'ici.)

Jeunes fillettes, de grâce dites-moi
Depuis quel tempe dans ce village
Ce bon ermite est-il venu?

LE CHŒUR
Voilà huit jours…

LE GOUVERNEUR
Qu'ai-je entendu?
Voilà huit jours…

LE CHŒUR
Pas davantage!

LE GOUVERNEUR
… que cotre maître a disparu!
C'est bien huit jours?

LE CHŒUR
Oui, c'est huit jours, pas davantage.

LE GOUVERNEUR
Voilà huit jours que autre maître a disparu!

Cette aventure fort singulière
Cache à mes yeux quelque mystère:
Ce bon ermite que l'on révère
Au fondd de l'âme est-il sincere?

Lui qu'on adore,
Lui qu'on implore,
Serait-ce encore le comte Ory?

Ruse anodine,
Je te devine,
Oui j'en suis sûr, c'est encore lui.

LE CHOEUR
Mais qu'a-t-il donc, ce voyageur,
II n'a pas l'air de bonne humeur.
Il faut nous éloigner, aussi
Sortons d'ici, partons d'ici.

LE GOUVERNEUR
Lai qu'on adore, etc.
C'est encore lui.

Cette aventure etc.

LE GOUVERNEUR
retenant Alice, qui reste la dernière
Cet ermite, ma belle enfant,
Où pourrais-je le voir?

ALICE
Ici même… à l'instant
Il va venir… Madame la Comtesse
A désiré le consulter.

ISOLIER
Vraiment!

ALICE
Sur un mal inconnu qui l'accable et l'oppresse.

LE GOUVERNEUR
Merci, ma belle enfant.
Il doit donc venir dans l'instant!

ISOLIER
(Elle va venir dans l'instant!)

LE GOUVERNEUR
(Cette belle Comtesse au minois séduisant!
Ceci me semble encore une preuve plus forte.)
à Isolier
Attendez-moi… je vais retrouver notre escorte.
(Puis ensemble vous reviendrons,
Pour confirmer, ou bien dissiper mes soupçons.)


SCÈNE SIXIÈME

ISOLIER
Je vais revoir la beauté qui m'est chère…
Mais comment désarmer cette vertu si fière?
Comment, en ma faveur, la toucher aujourd'hui?
Si cet ermite, ce bon père,
Voulait m'aider… oh! non … ce serait trop hardi…
Allons! … ne suis-je pas page du comte Ory?


SCÈNE SEPTIÈME

ISOLIER
Salut, ô vénérable ermite!

LE COMTE ORY
avec un geste de surprise
(C'est mon page! sachons le dessein qu'il médite.)
Qui vers moi vous amène, ô charmant Isolier?

ISOLIER
II me connaît!

LE COMTE ORY
Tel est l'effet de ma science.

ISOLIER
Un aussi grand savoir ne peut trop se payer,
lui donnant une bourse
Et cette offrande est bien faible, je pense.

LE COMTE ORY
prenant la bourse
N'importe… à moi vous pouvez vous fier:
Parlez, parlez, beau page.


N° 3 - Duo

ISOLIER
Une dame de haut parage
Tient mon coeur en un doux servage,
Et je brûle pour ses attraits.

LE COMTE ORY
Je n'y vois point de mal… après?

ISOLIER
Je croyais avoir su lui plaire;
Et pourtant son cœur trop sévère
Se dérobe à mes projets.

LE COMTE ORY
Je n'y vois point de mal…, après?

ISOLIER
Et jusqu'au retour de son frère,
Qui des croisés suit la bannière,
Aucun amant, aucun mortel
Ne peut entrer dans ce castel.

LE COMTE ORY
(Celui de la Comtesse… ô ciel!)

ISOLIER
Pour y pénétrer, comment faire?
J'avais bien un moyen fort beau;
Mais je le crois trop téméraire.

LE COMTE ORY
Parlez… parlez…, beau jouvenceau.

ISOLIER
Je voulais, d'une pèlerine
Prenant la cape et le manteau,
M'introduire dans ce château.

LE COMTE ORY
Bien! bien…, le moyen est nouveau.
(On peut s'en servir, j'imagine.)

Noble page do comte Ory,
Serez un jour digne de lui!
(Voyez donc, voyez donc le traître!
Oser jouter contre son maitre.)

ISOLIER
A l'instant je me sens renaître:
Quel bon moyen, quel coup de maître…

LE COMTE ORY
(Mais je le tiens, et l'on verra
Qui de nous deux l'emportera.)

ISOLIER
Qui, je le tiens, et vois déjà
Que son pouvoir me servira.

Mais d'abord ce projet réclame
Vos soins pour être exécuté.

LE COMTE ORY
Comment?

ISOLIER
Par cette noble dame
Vous allez être consulté.

LE COMTE ORY
(C'est qu'il sait tout, en vérité.)

ISOLIER
Dites-lui que l'indifférence
Cause, hélas! son tourment fatal.

LE COMTE ORY
J'entends! j'entends… ce c'est pas mal.

ISOLIER
Et pour guérir à l'instant même,
Dites-lui… qu'il faut qu'elle m'aime.

LE COMTE ORY
J'entends! j'entends… ce c'est pas mal.
Je lui dirai qu'il faut qu'elle aime…
(Mais un autre que mon rival…)

ISOLIER
Dites-lui bien qu'il faut qu'elle aime.

LE COMTE ORY
Noble page du comte Ory, etc.


SCÈNE HUITIÈME

Marche

LA COMTESSE
apercevant Isolier
Isolier dans ces lieux!

ISOLIER
Sur le mal qui m'agite
Je venais consulter aussi le bon
ermite.

LE COMTE ORY
Je dois à tous les malheureux
Mes consolations, mes conseils et mes voeux.


N° 4 - Air

LA COMTESSE
s'approchant du comte Ory
En proie à la tristesse,
Ne plus goûter d'ivresse
Au sein de sa jeunesse,
Souffrir, gémir sans cesse,
Voilà quel est mon sort.
Se flétrir en silence,
N'espérer que la mort.
Hélas, quelle souffrance.

Ô peine horrible!
Vous que l'on dit sensible,
Daignez, s'il est possible,
Guérir le mal terrible
Dont je me sens mourir!
Soulagez ma douleur,
Rendez-moi le bonheur.

LE CHOEUR
Calmez tant de souffrance,
Calmez tant de douleur!
Et que votre science
Lui rende le bonheur.

LA COMTESSE
Faut-il mourir de ma souffrance?
Hélas, hélas, plus d'espérance!
Ciel!
Ô peine horrible! etc.
Soulagez ma douleur,
Rendez-moi le bonheur.

LE CHOEUR
Ah, calmez tant de douleur!

ISOLIER
au Comte
Vous avez entendu sa touchante prière!
Voici le vrai moment, soyez à moi, mon père!

LE COMTE ORY
à la Comtesse
Si dans mon assistance
Vous avez confiance,
Je puis en conscience
Guérir votre douleur

Du mal qui vous dévore
La source est dans le coeur.
Aimez, aimez encore
Pour renaître au bonheur.

LA COMTESSE
D'un éternel veuvage
Un serment fut le gaga.
Et j'irais le trahir?
Plutôt, plutôt mourir.

LE COMTE ORY
Le ciel vous en dégage.
Il ordonne que de vos jours
La flamme se ranime
Au flambeau des amours.

LA COMTESSE
Céleste providence,
Je te bénis de ta clémence!

Ô bon ermite,
Votre mérite
En mes beaux jours
Vivra/Viendra toujours.

LE COMTE, puis ISOLIER
Toujours, toujours.

LA COMTESSE
à Isolier
Isolier, que ta présence
Me fait naître un doux émoi.
Cher lsolier, je veux t'aimer,
Je ne veux aimer que toi.

LE CHOEUR
On voit que sa parole
Paraît la ranimer.
Le mai qui la désole
Commence à se calmer.

LA COMTESSE
Déjà je sens
Les feux brûlants
De la jeunesse
Par la tendresse
Se rallumer.

Ô bon ermite, etc.

ISOLIER
au Comte
C'est bien… je suis content.

LE COMTE ORY
à la Comtesse
Encore un mot, de grâce.
D'un grand péril qui vous menace
Je dois vous prévenir! … il faut vous défier…

LA COMTESSE
De qui?

LE COMTE ORY
De ce jeune Isolier.

LA COMTESSE
Ô ciel!

LE COMTE ORY
C'est le fidèle page
De ce terrible comte Ory,
Dont les galants exploits…
Mais ici… devant lui,
Je n'oserais en dire davantage.
Entrons dans ce castel.

LA COMTESSE
Mon coeur en a frémi!
au Comte
Ô mon sauveur!. … ô mon unique appui!
Venez, venez!

Elle prend le Comte par la main et va l'entraîner dans le château. Toutes les dames les suivent Le comte Ory a déjà le pied sur le pont-levis et, en raillant Isolierr, fait un geste de joie.

A ce moment entre te Gouverneur, suivi de tous les chevaliers de son escorte.


SCÈNE NEUVIÈME

LE GOUVERNEUR, LES CHEVALIERS
Nous saurons bien le reconnaître.
Avançons…

LE GOUVERNEUR
apercevant Raimbaud, qui est en paysan
Qu'ai-je vu!… c'est Raimbaud,
Le confident, l'ami de notre maître!

RAIMBAUD
Taisez-vous donc, ne dites mot.

LE GOUVERNEUR
Plus de doute, plus de mystère,
montrant l'ermite
C'est Monseigneur! c'est lui!

LE COMTE CRY
(Misérable! crains ma colére.)

TOUS LES CHEVALIERS
s'inclinant
C'est le comte Ory!

LES DAMES
s'éloignant avec effroi et se réfugiant dans un coin
Le comte Ory!

LE COMTE ORY
Eh bien! oui … le voici.


N° 5 - Finale

TOUS
Ciel!

LA COMTESSE, ALICE, RAGONDE, puis ISOLIER
Ô terreur, ô peine extrême,
Quel indigne stratagème!
Mon coeur bat d'effroi, d'horreur.
Quel effroi saisit mon coeur!
Quel effroi s'empare de mon coeur!
Oui, l'effroi vient agiter mon coeur.

LE GOUVERNEUR
Ô bonheur (ô plaisir), ô joie extrême,
On connait son stratagème,
Tout s'oppose à son bonheur.
Ciel! L'espoir fuit de son cœur
(Pour moi, quel bonheur!)
La rage est dans son coeur

LE COMTE ORY
Plus d'espoir, ô peine extrême,
Tout s'oppose à mon bonheur.
Ah, l'espoir me fuit encore.
Quel effroi, hélas!
L'espoir fuit de mon coeur
La rage est dans mon coeur,
La fureur vient agiter mon coeur.

RAIMBAUD
Plus d'espoir, ô peine extrême,
Tout s'oppose à son bonheur.
Le dépit augmente encore.
Ô douleur, ciel!
Quel malheur, quel effroi!
L'espoir fuit de son cœur

RAGONDE
Cet écrit, noble châtelaine,
Vous vient de lointains pays.
Il apporte, j'en suis certaine,
Des nouvelles de nos maris.

LE COMTE ORY
(Encore une disgrâce.)

TOUS sauf LA COMTESSE
Lisez, cédez, de grâce.

LE GOUVERNEUR
Seigneur, adieu plaisir!

ALICE, RAGONDE, ISOLIER, LE CHOEUR
Cédez à mon désir.

LE COMTE ORY, RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR, LE CHOEUR
Il faut se contenir.

LA COMTESSE
lisant
«Madame et soeur chérie,
La croisade est finie,
Et dans outre patrie
Nous revenons enfin.»

TOUS sauf LA COMTESSE
(avec joie)
Ls croisade eut finie
Et tous dans leur patrie
Ils reviennent enfin.»

RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR
Fatal destin!

LA COMTESSE
lisant
«On nous a vus sans crainte
Purger la Terre sainte
Et notre épée est teinte
Du sang du Sarrasin.»

TOUS saut LA COMTESSE
On les a vus sans crainte
Purger la Terre sainte
Et leur épée est teinte
Du sang du Sarrasin.

RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR
Fatal destin!

LA COMTESSE
lisant
«Nous partons pour la France
Et nous suivrons, je pense,
A deux jours de distance
Ce message certain.»

ALICE, RAGONDE, ISOLIER, LE CHOEUR
Telle est notre espérance.
Ils suivent vers la France
A deux jours de distance
Ce message certain.

LE COMTE ORY, RAIMBAUD, LE CHOEUR
Hélas, plus d'espérance.
Ils suivent vers la France etc.

LE GOUVERNEUR
Pour lui, plus d'espérance.
Ils suivent vers la France etc.

RAGONDE
Vous viendrez, ô seigneur Comte,
Partager nos transports.

LE COMTE ORY
Je partage vos transports.

LA COMTESSE
Partagez nos transports.

LE COMTE ORY
(Sachons venger ma honte
Par de nouveaux succès.)
à Raimbaud
Un jour me reste encore,
Qu'il serve à mes projets.

RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR
Allons, partons.
Surveillons ses projets.

LA COMTESSE
Quand mon coeur tremble encore
De ses affreux projets,
Celui que seul j'adore
Va me rendre la paix.

ALICE, ISOLIER
Quand mon coeur tremble encore
De ses affreux projets,
Le frère qu'elle adore
Va lui rendre la paix.

RAGONDE
Quand mon coeur tremble encore
De ses affreux projets,
L'époux que seul j'adore
Va me rendre la paix.

LE COMTE ORY, SES COMPAGNONS
(Un jour me/nous reste encore,
Qu'il serve à nos projets.)

LE CHOEUR
Hélas! je tremble encore
De ses affreux projets.

LE COMTE ORY
Venez, amis, retirons-nous
Et dans notre retraite
Assurons ma conquête
Et du destin bravons les coups.

La nuit,
sans bruit,
Sachons en dépit des jaloux
Du sort braver les coups.

ISOLIER
A tout ce qu'il projette
Avec adresse opposons-nous.
Sachons parer ses coups.

LA COMTESSE
Déjà le sort dans sa rigueur
N'a plus rien qui m'alarme.
Un espoir plein de charme
Déjà fait battre mon coeur.
Déjà l'espoir fait palpiter mon coeur
De joie et de bonheur.

RAGONDE
Celui qui sut toucher mon coeur
Va me rendre au bonheur.
Je sens (déjà) battre mon coeur,
D'amour et de bonheur.

RAIMBAUD
Allons, sortons,
Allons avec prudence.
Méditer en silence
Et de notre vengeance
Le succès est certain.
Bravons le seigneur châtelain.

LE GOUVERNEUR
Repartons en silence.
Il faut avec prudence
Eviter la vengeance
Du seigneur châtelain.
Je crains le seigneur châtelain.

LE COMTE ORY
Allons, sortons!

LES DAMES, ISOLIER
Allons, rentrons.

LES DAMES, ISOLIER, LE CHOEUR
Aux chants de la victoire
Allons mêler nos voix.
Des preux chantons la gloire
Et les brillants exploits.
Chantons tous leurs exploits!

RAIMBAUD, LE GOUVERNEUR
Sachons par la victoire
Assurer tous nos droits.
On trouve aussi la gloire
Dans nos galants exploits.
Partons, on parlera de nos exploits.

LE COMTE ORY, SES COMPAGNONS
Sachons par la victoire
Les soumettre à nos lois.
On trouve aussi la gloire
Dans nos galants exploits.
Partons, on parlera de nos exploits.

LE COMTE ORY
Venez amis, retirons-nous etc.
最終更新:2023年01月15日 19:56