Acte II


Premier Tableau

Chez Thaïs (Thaïs paraît accompagnée de quelques histrions et d'un petit groupe de comédiennes.
Bientôt, elle les éloigne d'un geste las.)

THAÏS

(seule, avec lassitude et amertume)
Ah! je suis seule, seule, enfin!
Tous ces hommes ne sont qu'indifférence et que brutalité.
(très accentué)
Les femmes sont méchantes... et les heures pesantes...
J'ai l'âme vide...
Où trouver le repos?
Et comment fixer le bonheur?
(rêveuse, elle prend in miroir et s'y contemple)
Ô mon miroir fidèle, rassure-moi?
(avec charme)
Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement!
Eternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes lèvres,
que rien ne ternira l'or pur de mes cheveux!
Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle
(avec emportement)
et que je serai belle éternellement!
Eternellement! Ah! je serai belle
(avec élan et ivresse)
éternellement!
(se dressant et prêtant l'oreille comme si une voix lui parlait dans l'ombre.)
Ah! Tais-toi, voix impitoyable, voix que me dis:
(sourdement)
Thaïs, tu vieilliras! Thaïs, tu vieilliras!
Un jour, ainsi, Thaïs
(avec effarement)
ne serait plus Thaïs!
(se calmant peu à peu)
Non! Non! je n'y puis croire,
(s'adressant à Vénus)
Toi Vénus,
Réponds-moi de ma beauté!
Vénus réponds-moi de son éternité!
(comme un murmure et avec dévotion)
Vénus, invisible et présente!
Vénus, enchantement de l'ombre!
Vénus!
(volonté)
Réponds-moi! Réponds-moi!
(en liant)
Réponds-moi!
(en liant)
Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement!
Éternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes livres,
que rien ne ternira l'or pur de mes cheveux!
Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle
(avec emportement)
et que je serai belle éternellement!
Éternellement!
Ah! je serai belle
(avec élan et ivresse)
éternellement!
(apercevant Athanaël qui est entré silencieusement
et s'est arrêté sur le seuil, avec charme)
Etranger, te voilà, comme tu l'avais dit!

ATHANAËL
(murmurant une prière du fond du coeur, palpitant)
Seigneur! Seigneur!
Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi!
Fais que la force de ses charmes ne triomphe pas de ma volonté!

THAÏS
(avec un sourire engageant)
Allons, parle à présent.

ATHANAËL
On dit que nulle femme ne t'égale
et c'est pourquoi j'ai voulu te connaître,
et c'est pourquoi, te voyant,
j'ai compris combien il me serait glorieux de te vaincre!

THAÏS
(en souriant)
Tes hommages sont haut; ton orgueil les dépasse;
présomptueux, prends garde de m'aimer!

ATHANAËL
(avec chaleur)
Ah! je t'aime, Thaïs, et j'aime à te le dire; mais je t'aime non comme tu l'entends!
Moi, je t'aime en esprit, je t'aime en vérité.
Je te promets mieux qu'ivresse fleurie et songes d'une brève nuit.
Cette félicité qu'aujourd'hui je t'apporte ne finira jamais! Jamais! Jamais!

THAÏS
(ironique, en riant)
Ah! Ah! Ah! Ah!
Montre moi donc ce merveilleux amour!
Un amour vrai n'a qu'un langage: les baisers.

ATHANAËL
(comme avec un reproche)
Thaïs, ne raille pas! L'amour que je te prêche,
c'est l'amour inconnu!

THAÏS
(légèrement)
Ami, tu viens bien tard...
Je connais toutes les ivresses.

ATHANAËL
(fougueux et sombre)
L'amour que tu connais n'enfante que la honte.
L'amour que je t'apporte est le seul glorieux!

THAÏS
(avec hauteur)
Je te trouve hardi d'offenser ton hôtesse!

ATHANAËL
T'offenser! Je ne songe qu'à te conquérir à la vérité!
(avec un enthousiasme croissant)
Qui m'inspirera des discours embrasés pour qu'à mon souffle,
ô courtisane, ton coeur fonde comme une cire!
Qui pourra te livrer à moi!
Qui changera ma parole en un Jourdain
dont les flots répandus prépareront ton âme à la vie éternelle!

THAÏS
(troublée, le regardant à la dérobée avec un vague sentiment de crainte)
A la vie éternelle!

ATHANAËL
A la vie éternelle!

THAÏS
(prenant une résolution, mais d'abord tout en tremblant)
Eh! bien... fais moi connaître... tout cet amour
(avec un doux effroi)
mystérieux... Je t'obéis...
(d'une voix suffoquée)
Je suis à toi...

(Thaïs, avec une spatule d'or, puise dans une coupe quelques grains d'encens qu'elle jette dans le brûle-parfums.)

ATHANAËL
(à part, avec fièvre)
Un tumulte effrayant s'élève en ma pensée!
(haletant)
Seigneur! Seigneur!
Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi.

(Une fumée légère enveloppe Thaïs en même temps que la Déesse et tandis qu'Athanaël troublé la regarde,
elle murmure en souriant et comme instinctivement une sorte d'incantation mystérieuse.)

THAÏS
(avec calme et comme extasiée)
Vénus invisible et présente!

ATHANAËL
(très ému)
Pitié! Seigneur!

THAÏS
Vénus, enchantement de l'ombre!
Vénus, éclat du ciel et blancheur de la neige!
Vénus, descends et règne! Splendeur! Volupté! Douceur!

ATHANAËL
(priant avec ardeur)
Que la force de ses charmes
ne triomphe pas de ma volonté!
Seigneur!
(d'un voix étouffée)
Pitié!
(reprenant violemment possession de lui même, déchire, arrache sa robe d'emprunt sous laquelle il a gardé son cilice.)
Je suis Athanaël, Moine d'Antinoé!
Je viens du saint désert et je maudis la chair
et je maudis la mort qui te possède!
Et me voici devant toi, comme devant un tombeau,
et je te dis:
(d'une voix éclatante)
Thaïs, lève-toi! Lève-toi!

THAÏS
(avec épouvante se jetant à ses pieds)
Ah!
(frémissante)
Pitié! Ne me fais pas de mal!
Parle! que me veux-tu? Non!
Ah! par pitié, tais-toi! par pitié, tais-toi!
Je n'ai pas plus
(haletante)
choisi mon sort que ma nature!
Et ce n'est pas ma faute à moi si je suis belle.
(très déchirant et expressif)
Pitié! Ne me fais pas mourir!
Ah! je crains tant la mort! Ne me fais pas mourir! pitié!
Ne me fais pas de mal!
(presque parlé, en sanglotant)
Pitié! pitié! Non! Ne me fais pas mourir!

ATHANAËL
(avec enthousiasme)
Non! Je l'ai dit: Tu vivras de la vie éternelle,
Sois à jamais la bien aimée
et l'épouse du Christ dont tu fus l'ennemie!

THAÏS
(avec ardeur)
Ah! Je sens une fraîcheur en mon âme ravie,
je frissonne et demeure charmée!
Ah! Quel pouvoir est le sien!

LA VOIX DE NICIAS
(au loin et se rapprochant graduellement)
Thaïs,
(avec gaîté et charme)
idole fragile, je veux une dernière fois...

THAÏS
(écoutant avec un sentiment de répulsion)
Nicias! encor!

LA VOIX DE NICIAS
(de même)
Je veux l'amour de ta lèvre fleurie...

THAÏS
(comme à elle-même, avec agitation)
Mon âme n'est plus mienne.
(avec dédain et colère)
M'aimer! Il n'a jamais aimé personne!
(brusquement)
Il n'aime que l'amour!

LA VOIX DE NICIAS
(plus près)
Demain, je ne serai pour toi plus rien qu'un nom!
Plus rien... qu'un nom!

ATHANAËL
(à Thaïs)
Tu l'entends?

THAÏS
(à Athanaël, avec énergie)
Eh! bien, Va!
Dis-lui que je déteste tous les riches, tous les heureux!
Qu'il m'oublie! Entends-tu! Dis-lui que je le hais!

ATHANAËL
(à Thaïs, avec autorité)
A ton seuil, jusqu'au jour, j'attendrai ta venue!

THAÏS
(avec résolution et fermeté; à volonté)
Non je reste Thaïs! Thaïs! la courtisane!
Je ne crois plus à rien et je ne veux plus rien:
Ni lui, ni toi, ni ton Dieu!
(éclatant de rire)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!
(ici avec des pleurs et des sanglots, à volonté)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!

RIDEAU.

Fin du 1er Tableau.

(La musique continue jusqu'au changement.)
Acte II


Premier Tableau

Chez Thaïs (Thaïs paraît accompagnée de quelques histrions et d'un petit groupe de comédiennes.
Bientôt, elle les éloigne d'un geste las.)

THAÏS

(seule, avec lassitude et amertume)
Ah! je suis seule, seule, enfin!
Tous ces hommes ne sont qu'indifférence et que brutalité.
(très accentué)
Les femmes sont méchantes... et les heures pesantes...
J'ai l'âme vide...
Où trouver le repos?
Et comment fixer le bonheur?
(rêveuse, elle prend in miroir et s'y contemple)
Ô mon miroir fidèle, rassure-moi?
(avec charme)
Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement!
Eternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes lèvres,
que rien ne ternira l'or pur de mes cheveux!
Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle
(avec emportement)
et que je serai belle éternellement!
Eternellement! Ah! je serai belle
(avec élan et ivresse)
éternellement!
(se dressant et prêtant l'oreille comme si une voix lui parlait dans l'ombre.)
Ah! Tais-toi, voix impitoyable, voix que me dis:
(sourdement)
Thaïs, tu vieilliras! Thaïs, tu vieilliras!
Un jour, ainsi, Thaïs
(avec effarement)
ne serait plus Thaïs!
(se calmant peu à peu)
Non! Non! je n'y puis croire,
(s'adressant à Vénus)
Toi Vénus,
Réponds-moi de ma beauté!
Vénus réponds-moi de son éternité!
(comme un murmure et avec dévotion)
Vénus, invisible et présente!
Vénus, enchantement de l'ombre!
Vénus!
(volonté)
Réponds-moi! Réponds-moi!
(en liant)
Réponds-moi!
(en liant)
Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement!
Éternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes livres,
que rien ne ternira l'or pur de mes cheveux!
Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle
(avec emportement)
et que je serai belle éternellement!
Éternellement!
Ah! je serai belle
(avec élan et ivresse)
éternellement!
(apercevant Athanaël qui est entré silencieusement
et s'est arrêté sur le seuil, avec charme)
Etranger, te voilà, comme tu l'avais dit!

ATHANAËL
(murmurant une prière du fond du coeur, palpitant)
Seigneur! Seigneur!
Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi!
Fais que la force de ses charmes ne triomphe pas de ma volonté!

THAÏS
(avec un sourire engageant)
Allons, parle à présent.

ATHANAËL
On dit que nulle femme ne t'égale
et c'est pourquoi j'ai voulu te connaître,
et c'est pourquoi, te voyant,
j'ai compris combien il me serait glorieux de te vaincre!

THAÏS
(en souriant)
Tes hommages sont haut; ton orgueil les dépasse;
présomptueux, prends garde de m'aimer!

ATHANAËL
(avec chaleur)
Ah! je t'aime, Thaïs, et j'aime à te le dire; mais je t'aime non comme tu l'entends!
Moi, je t'aime en esprit, je t'aime en vérité.
Je te promets mieux qu'ivresse fleurie et songes d'une brève nuit.
Cette félicité qu'aujourd'hui je t'apporte ne finira jamais! Jamais! Jamais!

THAÏS
(ironique, en riant)
Ah! Ah! Ah! Ah!
Montre moi donc ce merveilleux amour!
Un amour vrai n'a qu'un langage: les baisers.

ATHANAËL
(comme avec un reproche)
Thaïs, ne raille pas! L'amour que je te prêche,
c'est l'amour inconnu!

THAÏS
(légèrement)
Ami, tu viens bien tard...
Je connais toutes les ivresses.

ATHANAËL
(fougueux et sombre)
L'amour que tu connais n'enfante que la honte.
L'amour que je t'apporte est le seul glorieux!

THAÏS
(avec hauteur)
Je te trouve hardi d'offenser ton hôtesse!

ATHANAËL
T'offenser! Je ne songe qu'à te conquérir à la vérité!
(avec un enthousiasme croissant)
Qui m'inspirera des discours embrasés pour qu'à mon souffle,
ô courtisane, ton coeur fonde comme une cire!
Qui pourra te livrer à moi!
Qui changera ma parole en un Jourdain
dont les flots répandus prépareront ton âme à la vie éternelle!

THAÏS
(troublée, le regardant à la dérobée avec un vague sentiment de crainte)
A la vie éternelle!

ATHANAËL
A la vie éternelle!

THAÏS
(prenant une résolution, mais d'abord tout en tremblant)
Eh! bien... fais moi connaître... tout cet amour
(avec un doux effroi)
mystérieux... Je t'obéis...
(d'une voix suffoquée)
Je suis à toi...

(Thaïs, avec une spatule d'or, puise dans une coupe quelques grains d'encens qu'elle jette dans le brûle-parfums.)

ATHANAËL
(à part, avec fièvre)
Un tumulte effrayant s'élève en ma pensée!
(haletant)
Seigneur! Seigneur!
Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi.

(Une fumée légère enveloppe Thaïs en même temps que la Déesse et tandis qu'Athanaël troublé la regarde,
elle murmure en souriant et comme instinctivement une sorte d'incantation mystérieuse.)

THAÏS
(avec calme et comme extasiée)
Vénus invisible et présente!

ATHANAËL
(très ému)
Pitié! Seigneur!

THAÏS
Vénus, enchantement de l'ombre!
Vénus, éclat du ciel et blancheur de la neige!
Vénus, descends et règne! Splendeur! Volupté! Douceur!

ATHANAËL
(priant avec ardeur)
Que la force de ses charmes
ne triomphe pas de ma volonté!
Seigneur!
(d'un voix étouffée)
Pitié!
(reprenant violemment possession de lui même, déchire, arrache sa robe d'emprunt sous laquelle il a gardé son cilice.)
Je suis Athanaël, Moine d'Antinoé!
Je viens du saint désert et je maudis la chair
et je maudis la mort qui te possède!
Et me voici devant toi, comme devant un tombeau,
et je te dis:
(d'une voix éclatante)
Thaïs, lève-toi! Lève-toi!

THAÏS
(avec épouvante se jetant à ses pieds)
Ah!
(frémissante)
Pitié! Ne me fais pas de mal!
Parle! que me veux-tu? Non!
Ah! par pitié, tais-toi! par pitié, tais-toi!
Je n'ai pas plus
(haletante)
choisi mon sort que ma nature!
Et ce n'est pas ma faute à moi si je suis belle.
(très déchirant et expressif)
Pitié! Ne me fais pas mourir!
Ah! je crains tant la mort! Ne me fais pas mourir! pitié!
Ne me fais pas de mal!
(presque parlé, en sanglotant)
Pitié! pitié! Non! Ne me fais pas mourir!

ATHANAËL
(avec enthousiasme)
Non! Je l'ai dit: Tu vivras de la vie éternelle,
Sois à jamais la bien aimée
et l'épouse du Christ dont tu fus l'ennemie!

THAÏS
(avec ardeur)
Ah! Je sens une fraîcheur en mon âme ravie,
je frissonne et demeure charmée!
Ah! Quel pouvoir est le sien!

LA VOIX DE NICIAS
(au loin et se rapprochant graduellement)
Thaïs,
(avec gaîté et charme)
idole fragile, je veux une dernière fois...

THAÏS
(écoutant avec un sentiment de répulsion)
Nicias! encor!

LA VOIX DE NICIAS
(de même)
Je veux l'amour de ta lèvre fleurie...

THAÏS
(comme à elle-même, avec agitation)
Mon âme n'est plus mienne.
(avec dédain et colère)
M'aimer! Il n'a jamais aimé personne!
(brusquement)
Il n'aime que l'amour!

LA VOIX DE NICIAS
(plus près)
Demain, je ne serai pour toi plus rien qu'un nom!
Plus rien... qu'un nom!

ATHANAËL
(à Thaïs)
Tu l'entends?

THAÏS
(à Athanaël, avec énergie)
Eh! bien, Va!
Dis-lui que je déteste tous les riches, tous les heureux!
Qu'il m'oublie! Entends-tu! Dis-lui que je le hais!

ATHANAËL
(à Thaïs, avec autorité)
A ton seuil, jusqu'au jour, j'attendrai ta venue!

THAÏS
(avec résolution et fermeté; à volonté)
Non je reste Thaïs! Thaïs! la courtisane!
Je ne crois plus à rien et je ne veux plus rien:
Ni lui, ni toi, ni ton Dieu!
(éclatant de rire)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!
(ici avec des pleurs et des sanglots, à volonté)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!

RIDEAU.

Fin du 1er Tableau.

(La musique continue jusqu'au changement.)


最終更新:2011年04月30日 12:20