ACTE DEUXIÈME


Troisième Tableau - Mercredi des cendres

(L'atelier de sculpture de Cellini. Au fond, une large fenêtre donnant sur la rue. A droite, au fond, une porte. gauche, le modèle en plâtre de la statue colossale de Persée. Auprès, un marchepied, et à terre un marteau et quelques instruments de travail. Il est petit jour)

Scène Première

N° 13 - Entracte et scène

TERESA
Ah, qu'est-il devenu? Jésus!
où peut-il être?

ASCANIO
(refermant la porte)
Il ne peut tarder à paraître,
Teresa, n'ayez pas d'effroi.

TERESA
Il est pris! il est pris ou mort, je vous le jure!

ASCANIO
Ni l'un ni l'autre, croyez-moi;
Mon maître n'est pas homme à servir de pâture
Aux estafiers du Pape,
aux sbires de la loi.

TERESA
Mais qui peut l'arrêter?

CHOEUR DE MOINES BLANCS
(derrière la scène, assez loin d'abord)
Vas spirituale, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

ASCANIO
Écoutez.

(Il court à la fenêtre.)

TERESA
Est-ce lui?

ASCANIO
(quittant la fenêtre)
Hélas, ce chant qui monte avec tristesse
Vers la voûte des cieux,
N'est que la voix des confréries
Qui vont, chantant des litanies,
Accomplir ici-près quelque devoir pieux.

LE CHOEUR
(moins éloigné)
Vas honorabile, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA
Quelle angoisse!

ASCANIO
Espérons.

TERESA
Prions.

TERESA, ASCANIO
Prions!

N° 15 - Prière

LE CHOEUR
(un peu plus rapproché)
Rosa purpurea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
(Teresa à genoux, Ascanio debout à côté d'elle)
Sainte Vierge Marie, Étoile du matin...

LE CHOEUR
(plus prés)
Turris Davidica, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Que ta lueur chérie
Verse un rayon divin...

LE CHOEUR
(plus près)
Turris eburnea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Verse un rayon divin
Sur mon / son triste destin.

LE CHOEUR
(qui commence à passer devant la fenêtre)
Stella matutina, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Sainte Vierge Marie,
Étoile du matin...

LE CHOEUR
(s'éloignant)
Turris eburnea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Ramène, je t'en prie
Ramène mon / son amant.

LE CHOEUR
(plus loin)
Vas honorabile, Maria sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Ramène mon / un tendre amant
Près de mon / son cœur souffrant.

LE CHOEUR
Rosa purpurea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Ô! conduis mon / ramène un amant
Près de mon / son cœur souffrant.

LE CHOEUR
(de très loin)
Stella matutina, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

Scène Seconde

(Cellini entre précipitamment. Il est encore vêtu en moine blanc; sa robe est ensanglantée)

CELLINI
Teresa!

TERESA, ASCANIO
Cellini!

CELLINI
Oui, mes enfants, près de vous me voici.

TERESA
Ah! le ciel soit béni.
Vous n'êtes point blessé, j'espère?

CELLINI
Non, Dieu merci! rassurez-vous, ma chère;
Je n'ai rien eu qu'un peu de peur.
La mort est sur moi suspendue.
Mes amis, il faut nous enfuir.

TERESA
Nous enfuir?

CELLINI
Sur-le-champ.

ASCANIO
(avec consternation)
Mais, maître, ta statue!...

CELLINI
Au diable ma statue, et le Pape, et la loi!..
Je ne pense aujourd'hui qu'à partir au plus vite.

(à Teresa)

Avec toi, chère enfant
Ascanio, pour la fuite
Va chercher un cheval.

ASCANIO
Maître, comptez sur moi
Je reviens tout de suite.

(Il sort par la coulisse de droite.)

Scène Troisième

N° 16 - Duo

TERESA
Ah! le ciel, cher époux
Se déclare enfin pour nous!
Puisqu'après cette épreuve
Il nous a réunis,
N'est-ce pas? c'est la preuve
Que nos vœux sont bénis.

CELLINI
Oui, ma belle, en ce jour
Ne songeons tous les deux qu'à l'amour.
Ô ma jeune maîtresse!
Hâtons-nous de jouir
De la paix que nous laisse
Le temps prompt, hélas, à s'enfuir.

TERESA
Cette nuit, que d'alarmes!

CELLINI
Le passé n'est qu'une ombre...

TERESA
Mais la nuit cède au jour...

CELLINI
Ne donnons rien au sort...

TERESA
Le jour sèche les larmes...

CELLINI
L'avenir est trop sombre...

TERESA
Et voilà de retour
Le bonheur et l'amour.

CELLINI
Sachons vivre d'abord,
Et que vienne la mort!

TERESA
Ah! vite, vite!
Hâtons-nous! quitte
Ce vêtement
Taché de sang!

CELLINI
(se dépouillant de sa robe de moine qu'il dépose sur un siège à droite)
Oui, le temps passe!
Jetons cela;
Mais à la place,
Va prendre là
Cette cuirasse!

TERESA
Tiens la voilà!
Choisis l'épée
La mieux trempée
Un bouclier!...

CELLINI
Que de courage,
Mon gentil page,
Mon écuyer!

TERESA
Ah! vite, vite!
Mets à la place
Cette cuirasse!

CELLINI
Ah! que de courage, etc.

Ensemble

TERESA
Ah! le ciel, cher époux,
Se déclare pour nous!
Puisqu'après cette épreuve
Il nous a réunis,
N'est-ce pas? c'est la preuve
Que nos vœux sont bénis,
C'en est fait, tous nos vœux sont bénis,
Il est pour nous, il se déclare!

CELLINI
Oui, le ciel est pour nous;
Puisqu'après cette épreuve
Il nous a réunis,
Oui c'est bien la preuve
Que tous nos vœux sont bénis.
C'en est fait, tous nos vœux sont bénis,
Il est pour nous, il se déclare!

TERESA ,CELLINI
(avec enthousiasme)
Quand des sommets de la montagne
L'aigle inquiet
Entend la voix de sa compagne
Prise au filet,
Il jette aux vents son cri de guerre,
Fond sur les rets
Et fuit avec la prisonnière,
Loin des forêts!
En vain le plomb, en vain la poudre
Sifflent dans l'air,
Son aile va devant la foudre
Comme l'éclair!
Gagnons Florence; dans son aire
L'aigle toscan
Brave et dédaigne le tonnerre
Du Vatican.
Hâtons-nous !
Quand des sommets de la montagne, etc.

Scène Quatrième

N° 17 - Récit

ASCANIO
Ah! maître!... mon cher maître!...

CELLINI
Eh bien, qu'est-ce?

ASCANIO
Voici le trésorier avec Fieramosca...
Je les ai vus par la fenêtre!...

TERESA
Ciel, mon père!

CELLINI
Ne crains rien.

ASCANIO
Ah! mon Dieu, les voilà!

(Cellini s'empresse de cacher Teresa derrière la statue de Persée.)

Scène Cinquième

N° 18 - Quintette

BALDUCCI
(sa canne à la main)
Ah ! je te trouve enfin,
Coureur de grand chemin,
Ravisseur, spadassin,
Misérable assassin!

CELLINI
Oh! oh! maître Giacomo, pourquoi
Cette colère et tant de bruit chez moi?

BALDUCCI
Hypocrite, rends-moi ma fille.
Elle est chez toi.
Rends-la moi!
Ou ce bâton...

(Il lève sa canne sur Cellini)

CELLINI
Malheureux!

TERESA
(se jetant aux genoux de son père)
Ah! mon père!
Je tombe à vos genoux!

BALDUCCI
Te voilà donc, vipère!
C'est fort bien honorer ta mère!
Fuir du logis, pour suivre un spadassin!
Qui t'aurait cru l'âme si noire?

TERESA
(tremblante)
Ah! mon père, daignez m'en croire...

CELLINI
Votre fille jamais n'eût un pareil dessein.

TERESA
Non, jamais je n'eus un tel dessein...

CELLINI
Je suis le seul coupable.

BALDUCCI
A d'autres tes sornettes,
Ravisseur de filles honnêtes!
Je sais ce que je sais...
Et vous, à la maison!
Vite, qu'on tourne le talon!

CELLINI
(se mettant entre eux)
Arrêtez! j'aime votre fille!

BALDUCCI
Eh! que m'importe à moi
L'amour d'un tel faquin?

CELLINI
J'en suis aimé!

BALDUCCI
Tant pis!

CELLINI
L'honneur d'une famille...

BALDUCCI
Bah!... veut qu'à l'instant
Elle quitte un coquin.

CELLINI
Vous abusez!

TERESA
Mon père!

BALDUCCI
Allons, qu'on me suive!

CELLINI
Teresa!

TERESA
Cellini!

BALDUCCI
(désespérant de les séparer)
A moi, Fieramosca, mon gendre!
Voici ta femme, emmène-la!

TERESA, ASCANIO
CELLINI, FIERAMOSCA
Grand Dieu ! que viens-je d'entendre?

FIERAMOSCA
(timidement, s'avançant vers Teresa)
Ma femme! allons...
pressons le pas!...

CELLINI
Maraud, si tu touches son bras!...

BALDUCCI
(à Fieramosca)
Allons, va donc, mon gendre!

FIERAMOSCA
(reculant)
Moi, faire un esclandre!

CELLINI
Maraud! si tu fais un pas,
En enfer je te fais descendre!

Ensemble

TERESA
(à Cellini)
Modérez-vous!

ASCANIO
Quel gendre!

FIERAMOSCA
Moi! faire un esclandre!

BALDUCCI
Mon gendre!

Scène Sixième

N° 19 - Sextuor

TOUS
Le Pape ici! de la prudence!
Vite à genoux! paix et silence!

(Ils s'agenouillent.)

LE PAPE
(d'un ton paternel)
A tous péchés pleine indulgence,
Ô mes enfants, relevez-vous!
De tous les droits de la puissance,
La pitié sainte et la clémence
A notre cœur sont les plus doux.
Pour vos péchés pleine indulgence,
Ô mes enfants, relevez-vous!

BALDUCCI, FIERAMOSCA
(se relevant)
Justice à nous, seigneur et maître!
A vos pieds saints nous venons mettre
Notre humble supplique... oh! vengez-nous.

LE PAPE
Justice? eh! mais, que voulez-vous?
Mes chers amis, relevez-vous!

BALDUCCI
Un infâme a ravi ma fille,
Terni l'honneur de ma famille!

FIERAMOSCA
Le poignard d'un lâche ennemi
A terrassé mon noble ami!

LE PAPE
Et le coupable en tout ceci?

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Ô très Saint Père, il est ici,
C'est Cellini!

TOUS
Cellini!

BALDUCCI
Voici ma fille et le coupable.

FIERAMOSCA
(montrant la robe sanglante que Cellini vient de quitter)
Voici le sang et le coupable.

TERESA, ASCANIO, CELLINI
Non, Cellini n'est pas coupable.

LE PAPE
Cellini le coupable!...
Un meurtre avec enlèvement!
En vérité, c'est effroyable!

(à Cellini)

Tu feras donc toujours le diable,
Incorrigible garnement?

CELLINI
Non, non, je ne suis pas coupable;
Veuillez m'entendre un seul moment.

LE PAPE
(impatienté)
Et ma statue
Dis-moi, qu'est-elle devenue?

CELLINI
Elle n'est pas encor fondue.

LE PAPE
Quoi! depuis le temps pas encor?

BALDUCCI
Elle n'est pas fondue encor!

TOUS
Elle n'est pas fondue encor!

LE PAPE
A quoi donc t'a servi mon or?
A flétrir le cœur d'un vieux père,
Percer les gens de ta rapière,
Et puis passer la nuit entière
Au cabaret à boire frais?

FIERAMOSCA, BALDUCCI
C'est vrai!

TERESA, ASCANIO, CELLINI
Non, non!

FIERAMOSCA, BALDUCCI
Taisez-vous!

LE PAPE
Paix!
Vraiment, je suis bien débonnaire!

(à Cellini)

Un autre aura décidément
Le soin de fondre ta statue.

TERESA, ASCANIO
BALDUCCI, FIERAMOSCA
Un autre fondre sa statue!

CELLINI
Un autre fondre ma statue!
Dieu! sur ma tête en ce moment
La foudre est-elle descendue?
Un autre fondre ma statue!
Vous verrez sous l'effort de mon bras
Moule et statue voler en éclats,
Avant qu'une main vulgaire...

TERESA, ASCANIO
Grand Dieu! que va-t-il faire

FIERAMOSCA, BALDUCCI, LE PAPE
Téméraire!
Devant ton prince n'es-tu pas?

CELLINI
(exaspéré)
Oui, que la Vierge me pardonne,
Et le Saint-Père et ma patronne!
Mais nul artiste autre que moi,
Fût-il Michel-Ange, ma foi!
Ne mettra ma statue en fonte.
La mort plutôt que cette honte!

LE PAPE
Ah! c'est ce que nous allons voir! Holà!
Gardes, qu'on m'obéisse!
De cet homme qu'on se saisisse
Sur-le-champ!

(Sur l'ordre du Pape, une partie des gardes qui stationnaient à la porte s'avance; mais Cellini, un marteau à la main, s'est élancé sur le marchepied adossé au modèle de sa statue.)

CELLINI
Ce plâtre entier disparaîtra,
Pas un morceau ne restera,
Non, avant que l'un d'eux me saisisse.

(Il lève le marteau pour briser sa statue.)

TERESA, ASCANIO
FIERAMOSCA, BALDUCCI
Ah!

LE PAPE
Arrête, arrête! enfant maudit!

Ensemble

TERESA, ASCANIO
Ah! qu'a-t-il fait et qu'a-t-il dit!
Oser braver le Pape en face!

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Quel scélérat et quel bandit!
Oser braver le Pape en face!

LE PAPE, BALDUCCI
Quelle audace!

LE PAPE
Ah! ça, démon!
Noire cervelle!
Pour te calmer que te faut-il?
Dis-moi, réponds.

CELLINI
De mes fautes l'entier pardon.

LE PAPE
Tu l'auras sans confession!

TERESA, ASCANIO
BALDUCCI, FIERAMOSCA
Il l'aura sans confession!

LE PAPE
Je l'ai dit, il aura
De ses fautes l'entier pardon.

CELLINI
Ce n'est pas tout! Je veux encore
Celle qui m'aime et que j'adore.

LE PAPE
Tu veux ta grâce et Teresa?

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Ô très Saint-Père, arrêtez-là!

CELLINI
Et puis je veux, outre cela,
Le temps de fondre ma statue.

LE PAPE
Quoi! tout cela?

CELLINI
Rien que cela.

TOUS
Rien que cela!

Ensemble

LE PAPE
Ah ! le démon me tient en laisse;
Il sait pour l'art tout mon amour.
L'insolent rit tout bas de ma faiblesse;
Mais avant peu j'aurai mon tour.

BALDUCCI
Le démon le tient en laisse;
Il sait pour l'art tout son amour.
Il rit de sa faiblesse;
Mais nous rirons à notre tour.

CELLINI
Ah! je le tiens!
Je sais pour l'art tout son amour.

TERESA
Oh! funeste jour!
Dieu! prends pitié de mon amour!

ASCANIO
Oh! noble hardiesse!
Oh! le bon tour!

FIERAMOSCA
Ah! le démon rit de sa faiblesse;
Mais nous rirons à notre tour.

LE PAPE
(à Cellini)
Pour ton travail quel temps faut-il?

CELLINI
S'il plaît à Dieu,
Cette journée encor m'est nécessaire.

LE PAPE
Te suffit-elle?

CELLINI
Oui, j'espère:
Depuis longtemps la fournaise est en feu.

LE PAPE
(faisant signe aux gardes de se retirer)
Soit, j'y consens!...

(A ce mot, Cellini dépose son marteau et se rapproche du Pape.)

Mais, maître drôle,
Souviens-toi bien de ma parole:
Moi-même, à l'atelier, ce soir,
Expressément je viendrai voir
Comment ta fonte sera faite.
Or, si ta fonte n'a pas lieu
A la justice, de par Dieu!
Je livrerai ta tête.
Si Persée enfin n'est fondu
Dès ce soir tu seras pendu.
C'est, je le crois, bien entendu.

TERESA, ASCANIO
FIERAMOSCA, BALDUCCI
Pendu!

LE PAPE
C'est, je le crois, bien entendu.

BALDUCCI
Mais, Très Saint-Père, il est capable
De finir en temps voulu,
Et Teresa...

LE PAPE
Allez au diable!
Ta fille et toi! C'est entendu:
A l'instant il sera pendu.

FIERAMOSCA
Mais, Très Saint-Père, il est capable
De finir en temps voulu,
Et Pompée...

LE PAPE
Allez au diable!
Pompée et toi! C'est entendu:
A l'instant il sera pendu.
Si tout ce soir n'est pas fondu
A l'instant il sera pendu.

TERESA, ASCANIO
FIERAMOSCA, BALDUCCI
Pendu!

LE PAPE
C'est, je le crois, bien entendu.

Ensemble

TERESA, ASCANIO
Pendu! pendu! pendu! pendu!
Si tout ce soir n'est bien fondu.
Eh! quoi, grand Dieu! lui! pendu!

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Pendu! pendu! pendu! pendu!
Si tout ce soir n'est bien fondu.
Alors le fat sera pendu!

CELLINI
(ironiquement, au Pape)
Pour mes péchés quelle indulgence!
Ô très Saint-Père, que de bontés! pendu!

N° 20 - Final

Ensemble

LE PAPE
Ah! maintenant de sa folle impudence
Il n'ose s'applaudir.
Ah! c'était trop d'insolence,
Et je dois le punir.
Pas un saint, pas un ange
N'aideront à son bras.
Il bravait ma puissance.
Ah! c'en est fait; je n'ai plus d'indulgence.

CELLINI
Ah! je me sens trop de puissance,
Et, Dieu m'aidant, je dois réussir.
Dans le cœur j'ai trop de puissance
Pour me voir défaillir.
Je brave leur vengeance.
Dieu chérit la vaillance
Et la fait réussir.
Leur basse vengeance
Ne triomphera pas.

TERESA
Plus de chance!
Son sort est de périr!
Contre lui Dieu même se range.
Hélas! comment pourrait-il réussir?
Ah! c'en est fait! je perds toute espérance.
Seul contre tous, peut-il donc réussir?
Je n'ai plus qu'à mourir
De regrets, de souffrance!
Il n'est plus d'espérance!
Dieu même contre lui se range
Les saints ni les anges
Ne l'aideront pas.

ASCANIO
Qu'importe qu'on se venge!
Que la fange
Sur ses pas vienne à jaillir!
Dans le cœur il a trop de puissance
Pour défaillir.
Dieu chérit la vaillance,
Malgré tout j'ai bonne espérance
Et leur basse vengeance
Ne triomphera pas!

FIERAMOSCA, BALDUCCI
Ah! maintenant que le drôle s'arrange!
Enfin il est prêt à périr.
Ô fureur, ô vengeance,
Hâtez-vous d'accourir.
C'était trop d'insolence.
Ah! cette fois tout assure ma juste vengeance,
Plus d'indulgence.
Ce hautain, ce fat,
Ce fier à bras,
A la fin le voilà mis à bas.

CHOEUR DE LA SUITE DU PAPE
Quelle impudence!
Quelle incroyable insolence!
C'en est trop.
Déjà le drôle aurait dû recevoir
Le prix de son impudence.
Quelle indulgence!
Le drôle n'en mérite pas!
ACTE DEUXIÈME


Troisième Tableau - Mercredi des cendres

(L'atelier de sculpture de Cellini. Au fond, une large fenêtre donnant sur la rue. A droite, au fond, une porte. gauche, le modèle en plâtre de la statue colossale de Persée. Auprès, un marchepied, et à terre un marteau et quelques instruments de travail. Il est petit jour)

Scène Première

N° 13 - Entracte et scène

TERESA
Ah, qu'est-il devenu? Jésus!
où peut-il être?

ASCANIO
(refermant la porte)
Il ne peut tarder à paraître,
Teresa, n'ayez pas d'effroi.

TERESA
Il est pris! il est pris ou mort, je vous le jure!

ASCANIO
Ni l'un ni l'autre, croyez-moi;
Mon maître n'est pas homme à servir de pâture
Aux estafiers du Pape,
aux sbires de la loi.

TERESA
Mais qui peut l'arrêter?

CHOEUR DE MOINES BLANCS
(derrière la scène, assez loin d'abord)
Vas spirituale, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

ASCANIO
Écoutez.

(Il court à la fenêtre.)

TERESA
Est-ce lui?

ASCANIO
(quittant la fenêtre)
Hélas, ce chant qui monte avec tristesse
Vers la voûte des cieux,
N'est que la voix des confréries
Qui vont, chantant des litanies,
Accomplir ici-près quelque devoir pieux.

LE CHOEUR
(moins éloigné)
Vas honorabile, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA
Quelle angoisse!

ASCANIO
Espérons.

TERESA
Prions.

TERESA, ASCANIO
Prions!

N° 15 - Prière

LE CHOEUR
(un peu plus rapproché)
Rosa purpurea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
(Teresa à genoux, Ascanio debout à côté d'elle)
Sainte Vierge Marie, Étoile du matin...

LE CHOEUR
(plus prés)
Turris Davidica, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Que ta lueur chérie
Verse un rayon divin...

LE CHOEUR
(plus près)
Turris eburnea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Verse un rayon divin
Sur mon / son triste destin.

LE CHOEUR
(qui commence à passer devant la fenêtre)
Stella matutina, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Sainte Vierge Marie,
Étoile du matin...

LE CHOEUR
(s'éloignant)
Turris eburnea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Ramène, je t'en prie
Ramène mon / son amant.

LE CHOEUR
(plus loin)
Vas honorabile, Maria sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Ramène mon / un tendre amant
Près de mon / son cœur souffrant.

LE CHOEUR
Rosa purpurea, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

TERESA, ASCANIO
Ô! conduis mon / ramène un amant
Près de mon / son cœur souffrant.

LE CHOEUR
(de très loin)
Stella matutina, Maria, sancta mater,
Ora pro nobis.

Scène Seconde

(Cellini entre précipitamment. Il est encore vêtu en moine blanc; sa robe est ensanglantée)

CELLINI
Teresa!

TERESA, ASCANIO
Cellini!

CELLINI
Oui, mes enfants, près de vous me voici.

TERESA
Ah! le ciel soit béni.
Vous n'êtes point blessé, j'espère?

CELLINI
Non, Dieu merci! rassurez-vous, ma chère;
Je n'ai rien eu qu'un peu de peur.
La mort est sur moi suspendue.
Mes amis, il faut nous enfuir.

TERESA
Nous enfuir?

CELLINI
Sur-le-champ.

ASCANIO
(avec consternation)
Mais, maître, ta statue!...

CELLINI
Au diable ma statue, et le Pape, et la loi!..
Je ne pense aujourd'hui qu'à partir au plus vite.

(à Teresa)

Avec toi, chère enfant
Ascanio, pour la fuite
Va chercher un cheval.

ASCANIO
Maître, comptez sur moi
Je reviens tout de suite.

(Il sort par la coulisse de droite.)

Scène Troisième

N° 16 - Duo

TERESA
Ah! le ciel, cher époux
Se déclare enfin pour nous!
Puisqu'après cette épreuve
Il nous a réunis,
N'est-ce pas? c'est la preuve
Que nos vœux sont bénis.

CELLINI
Oui, ma belle, en ce jour
Ne songeons tous les deux qu'à l'amour.
Ô ma jeune maîtresse!
Hâtons-nous de jouir
De la paix que nous laisse
Le temps prompt, hélas, à s'enfuir.

TERESA
Cette nuit, que d'alarmes!

CELLINI
Le passé n'est qu'une ombre...

TERESA
Mais la nuit cède au jour...

CELLINI
Ne donnons rien au sort...

TERESA
Le jour sèche les larmes...

CELLINI
L'avenir est trop sombre...

TERESA
Et voilà de retour
Le bonheur et l'amour.

CELLINI
Sachons vivre d'abord,
Et que vienne la mort!

TERESA
Ah! vite, vite!
Hâtons-nous! quitte
Ce vêtement
Taché de sang!

CELLINI
(se dépouillant de sa robe de moine qu'il dépose sur un siège à droite)
Oui, le temps passe!
Jetons cela;
Mais à la place,
Va prendre là
Cette cuirasse!

TERESA
Tiens la voilà!
Choisis l'épée
La mieux trempée
Un bouclier!...

CELLINI
Que de courage,
Mon gentil page,
Mon écuyer!

TERESA
Ah! vite, vite!
Mets à la place
Cette cuirasse!

CELLINI
Ah! que de courage, etc.

Ensemble

TERESA
Ah! le ciel, cher époux,
Se déclare pour nous!
Puisqu'après cette épreuve
Il nous a réunis,
N'est-ce pas? c'est la preuve
Que nos vœux sont bénis,
C'en est fait, tous nos vœux sont bénis,
Il est pour nous, il se déclare!

CELLINI
Oui, le ciel est pour nous;
Puisqu'après cette épreuve
Il nous a réunis,
Oui c'est bien la preuve
Que tous nos vœux sont bénis.
C'en est fait, tous nos vœux sont bénis,
Il est pour nous, il se déclare!

TERESA ,CELLINI
(avec enthousiasme)
Quand des sommets de la montagne
L'aigle inquiet
Entend la voix de sa compagne
Prise au filet,
Il jette aux vents son cri de guerre,
Fond sur les rets
Et fuit avec la prisonnière,
Loin des forêts!
En vain le plomb, en vain la poudre
Sifflent dans l'air,
Son aile va devant la foudre
Comme l'éclair!
Gagnons Florence; dans son aire
L'aigle toscan
Brave et dédaigne le tonnerre
Du Vatican.
Hâtons-nous !
Quand des sommets de la montagne, etc.

Scène Quatrième

N° 17 - Récit

ASCANIO
Ah! maître!... mon cher maître!...

CELLINI
Eh bien, qu'est-ce?

ASCANIO
Voici le trésorier avec Fieramosca...
Je les ai vus par la fenêtre!...

TERESA
Ciel, mon père!

CELLINI
Ne crains rien.

ASCANIO
Ah! mon Dieu, les voilà!

(Cellini s'empresse de cacher Teresa derrière la statue de Persée.)

Scène Cinquième

N° 18 - Quintette

BALDUCCI
(sa canne à la main)
Ah ! je te trouve enfin,
Coureur de grand chemin,
Ravisseur, spadassin,
Misérable assassin!

CELLINI
Oh! oh! maître Giacomo, pourquoi
Cette colère et tant de bruit chez moi?

BALDUCCI
Hypocrite, rends-moi ma fille.
Elle est chez toi.
Rends-la moi!
Ou ce bâton...

(Il lève sa canne sur Cellini)

CELLINI
Malheureux!

TERESA
(se jetant aux genoux de son père)
Ah! mon père!
Je tombe à vos genoux!

BALDUCCI
Te voilà donc, vipère!
C'est fort bien honorer ta mère!
Fuir du logis, pour suivre un spadassin!
Qui t'aurait cru l'âme si noire?

TERESA
(tremblante)
Ah! mon père, daignez m'en croire...

CELLINI
Votre fille jamais n'eût un pareil dessein.

TERESA
Non, jamais je n'eus un tel dessein...

CELLINI
Je suis le seul coupable.

BALDUCCI
A d'autres tes sornettes,
Ravisseur de filles honnêtes!
Je sais ce que je sais...
Et vous, à la maison!
Vite, qu'on tourne le talon!

CELLINI
(se mettant entre eux)
Arrêtez! j'aime votre fille!

BALDUCCI
Eh! que m'importe à moi
L'amour d'un tel faquin?

CELLINI
J'en suis aimé!

BALDUCCI
Tant pis!

CELLINI
L'honneur d'une famille...

BALDUCCI
Bah!... veut qu'à l'instant
Elle quitte un coquin.

CELLINI
Vous abusez!

TERESA
Mon père!

BALDUCCI
Allons, qu'on me suive!

CELLINI
Teresa!

TERESA
Cellini!

BALDUCCI
(désespérant de les séparer)
A moi, Fieramosca, mon gendre!
Voici ta femme, emmène-la!

TERESA, ASCANIO
CELLINI, FIERAMOSCA
Grand Dieu ! que viens-je d'entendre?

FIERAMOSCA
(timidement, s'avançant vers Teresa)
Ma femme! allons...
pressons le pas!...

CELLINI
Maraud, si tu touches son bras!...

BALDUCCI
(à Fieramosca)
Allons, va donc, mon gendre!

FIERAMOSCA
(reculant)
Moi, faire un esclandre!

CELLINI
Maraud! si tu fais un pas,
En enfer je te fais descendre!

Ensemble

TERESA
(à Cellini)
Modérez-vous!

ASCANIO
Quel gendre!

FIERAMOSCA
Moi! faire un esclandre!

BALDUCCI
Mon gendre!

Scène Sixième

N° 19 - Sextuor

TOUS
Le Pape ici! de la prudence!
Vite à genoux! paix et silence!

(Ils s'agenouillent.)

LE PAPE
(d'un ton paternel)
A tous péchés pleine indulgence,
Ô mes enfants, relevez-vous!
De tous les droits de la puissance,
La pitié sainte et la clémence
A notre cœur sont les plus doux.
Pour vos péchés pleine indulgence,
Ô mes enfants, relevez-vous!

BALDUCCI, FIERAMOSCA
(se relevant)
Justice à nous, seigneur et maître!
A vos pieds saints nous venons mettre
Notre humble supplique... oh! vengez-nous.

LE PAPE
Justice? eh! mais, que voulez-vous?
Mes chers amis, relevez-vous!

BALDUCCI
Un infâme a ravi ma fille,
Terni l'honneur de ma famille!

FIERAMOSCA
Le poignard d'un lâche ennemi
A terrassé mon noble ami!

LE PAPE
Et le coupable en tout ceci?

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Ô très Saint Père, il est ici,
C'est Cellini!

TOUS
Cellini!

BALDUCCI
Voici ma fille et le coupable.

FIERAMOSCA
(montrant la robe sanglante que Cellini vient de quitter)
Voici le sang et le coupable.

TERESA, ASCANIO, CELLINI
Non, Cellini n'est pas coupable.

LE PAPE
Cellini le coupable!...
Un meurtre avec enlèvement!
En vérité, c'est effroyable!

(à Cellini)

Tu feras donc toujours le diable,
Incorrigible garnement?

CELLINI
Non, non, je ne suis pas coupable;
Veuillez m'entendre un seul moment.

LE PAPE
(impatienté)
Et ma statue
Dis-moi, qu'est-elle devenue?

CELLINI
Elle n'est pas encor fondue.

LE PAPE
Quoi! depuis le temps pas encor?

BALDUCCI
Elle n'est pas fondue encor!

TOUS
Elle n'est pas fondue encor!

LE PAPE
A quoi donc t'a servi mon or?
A flétrir le cœur d'un vieux père,
Percer les gens de ta rapière,
Et puis passer la nuit entière
Au cabaret à boire frais?

FIERAMOSCA, BALDUCCI
C'est vrai!

TERESA, ASCANIO, CELLINI
Non, non!

FIERAMOSCA, BALDUCCI
Taisez-vous!

LE PAPE
Paix!
Vraiment, je suis bien débonnaire!

(à Cellini)

Un autre aura décidément
Le soin de fondre ta statue.

TERESA, ASCANIO
BALDUCCI, FIERAMOSCA
Un autre fondre sa statue!

CELLINI
Un autre fondre ma statue!
Dieu! sur ma tête en ce moment
La foudre est-elle descendue?
Un autre fondre ma statue!
Vous verrez sous l'effort de mon bras
Moule et statue voler en éclats,
Avant qu'une main vulgaire...

TERESA, ASCANIO
Grand Dieu! que va-t-il faire

FIERAMOSCA, BALDUCCI, LE PAPE
Téméraire!
Devant ton prince n'es-tu pas?

CELLINI
(exaspéré)
Oui, que la Vierge me pardonne,
Et le Saint-Père et ma patronne!
Mais nul artiste autre que moi,
Fût-il Michel-Ange, ma foi!
Ne mettra ma statue en fonte.
La mort plutôt que cette honte!

LE PAPE
Ah! c'est ce que nous allons voir! Holà!
Gardes, qu'on m'obéisse!
De cet homme qu'on se saisisse
Sur-le-champ!

(Sur l'ordre du Pape, une partie des gardes qui stationnaient à la porte s'avance; mais Cellini, un marteau à la main, s'est élancé sur le marchepied adossé au modèle de sa statue.)

CELLINI
Ce plâtre entier disparaîtra,
Pas un morceau ne restera,
Non, avant que l'un d'eux me saisisse.

(Il lève le marteau pour briser sa statue.)

TERESA, ASCANIO
FIERAMOSCA, BALDUCCI
Ah!

LE PAPE
Arrête, arrête! enfant maudit!

Ensemble

TERESA, ASCANIO
Ah! qu'a-t-il fait et qu'a-t-il dit!
Oser braver le Pape en face!

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Quel scélérat et quel bandit!
Oser braver le Pape en face!

LE PAPE, BALDUCCI
Quelle audace!

LE PAPE
Ah! ça, démon!
Noire cervelle!
Pour te calmer que te faut-il?
Dis-moi, réponds.

CELLINI
De mes fautes l'entier pardon.

LE PAPE
Tu l'auras sans confession!

TERESA, ASCANIO
BALDUCCI, FIERAMOSCA
Il l'aura sans confession!

LE PAPE
Je l'ai dit, il aura
De ses fautes l'entier pardon.

CELLINI
Ce n'est pas tout! Je veux encore
Celle qui m'aime et que j'adore.

LE PAPE
Tu veux ta grâce et Teresa?

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Ô très Saint-Père, arrêtez-là!

CELLINI
Et puis je veux, outre cela,
Le temps de fondre ma statue.

LE PAPE
Quoi! tout cela?

CELLINI
Rien que cela.

TOUS
Rien que cela!

Ensemble

LE PAPE
Ah ! le démon me tient en laisse;
Il sait pour l'art tout mon amour.
L'insolent rit tout bas de ma faiblesse;
Mais avant peu j'aurai mon tour.

BALDUCCI
Le démon le tient en laisse;
Il sait pour l'art tout son amour.
Il rit de sa faiblesse;
Mais nous rirons à notre tour.

CELLINI
Ah! je le tiens!
Je sais pour l'art tout son amour.

TERESA
Oh! funeste jour!
Dieu! prends pitié de mon amour!

ASCANIO
Oh! noble hardiesse!
Oh! le bon tour!

FIERAMOSCA
Ah! le démon rit de sa faiblesse;
Mais nous rirons à notre tour.

LE PAPE
(à Cellini)
Pour ton travail quel temps faut-il?

CELLINI
S'il plaît à Dieu,
Cette journée encor m'est nécessaire.

LE PAPE
Te suffit-elle?

CELLINI
Oui, j'espère:
Depuis longtemps la fournaise est en feu.

LE PAPE
(faisant signe aux gardes de se retirer)
Soit, j'y consens!...

(A ce mot, Cellini dépose son marteau et se rapproche du Pape.)

Mais, maître drôle,
Souviens-toi bien de ma parole:
Moi-même, à l'atelier, ce soir,
Expressément je viendrai voir
Comment ta fonte sera faite.
Or, si ta fonte n'a pas lieu
A la justice, de par Dieu!
Je livrerai ta tête.
Si Persée enfin n'est fondu
Dès ce soir tu seras pendu.
C'est, je le crois, bien entendu.

TERESA, ASCANIO
FIERAMOSCA, BALDUCCI
Pendu!

LE PAPE
C'est, je le crois, bien entendu.

BALDUCCI
Mais, Très Saint-Père, il est capable
De finir en temps voulu,
Et Teresa...

LE PAPE
Allez au diable!
Ta fille et toi! C'est entendu:
A l'instant il sera pendu.

FIERAMOSCA
Mais, Très Saint-Père, il est capable
De finir en temps voulu,
Et Pompée...

LE PAPE
Allez au diable!
Pompée et toi! C'est entendu:
A l'instant il sera pendu.
Si tout ce soir n'est pas fondu
A l'instant il sera pendu.

TERESA, ASCANIO
FIERAMOSCA, BALDUCCI
Pendu!

LE PAPE
C'est, je le crois, bien entendu.

Ensemble

TERESA, ASCANIO
Pendu! pendu! pendu! pendu!
Si tout ce soir n'est bien fondu.
Eh! quoi, grand Dieu! lui! pendu!

BALDUCCI, FIERAMOSCA
Pendu! pendu! pendu! pendu!
Si tout ce soir n'est bien fondu.
Alors le fat sera pendu!

CELLINI
(ironiquement, au Pape)
Pour mes péchés quelle indulgence!
Ô très Saint-Père, que de bontés! pendu!

N° 20 - Final

Ensemble

LE PAPE
Ah! maintenant de sa folle impudence
Il n'ose s'applaudir.
Ah! c'était trop d'insolence,
Et je dois le punir.
Pas un saint, pas un ange
N'aideront à son bras.
Il bravait ma puissance.
Ah! c'en est fait; je n'ai plus d'indulgence.

CELLINI
Ah! je me sens trop de puissance,
Et, Dieu m'aidant, je dois réussir.
Dans le cœur j'ai trop de puissance
Pour me voir défaillir.
Je brave leur vengeance.
Dieu chérit la vaillance
Et la fait réussir.
Leur basse vengeance
Ne triomphera pas.

TERESA
Plus de chance!
Son sort est de périr!
Contre lui Dieu même se range.
Hélas! comment pourrait-il réussir?
Ah! c'en est fait! je perds toute espérance.
Seul contre tous, peut-il donc réussir?
Je n'ai plus qu'à mourir
De regrets, de souffrance!
Il n'est plus d'espérance!
Dieu même contre lui se range
Les saints ni les anges
Ne l'aideront pas.

ASCANIO
Qu'importe qu'on se venge!
Que la fange
Sur ses pas vienne à jaillir!
Dans le cœur il a trop de puissance
Pour défaillir.
Dieu chérit la vaillance,
Malgré tout j'ai bonne espérance
Et leur basse vengeance
Ne triomphera pas!

FIERAMOSCA, BALDUCCI
Ah! maintenant que le drôle s'arrange!
Enfin il est prêt à périr.
Ô fureur, ô vengeance,
Hâtez-vous d'accourir.
C'était trop d'insolence.
Ah! cette fois tout assure ma juste vengeance,
Plus d'indulgence.
Ce hautain, ce fat,
Ce fier à bras,
A la fin le voilà mis à bas.

CHOEUR DE LA SUITE DU PAPE
Quelle impudence!
Quelle incroyable insolence!
C'en est trop.
Déjà le drôle aurait dû recevoir
Le prix de son impudence.
Quelle indulgence!
Le drôle n'en mérite pas!


最終更新:2013年10月14日 13:49