DEUXIÈME ENTRÉE


Les Incas du Pérou

(Le théâtre représente un désert du Pérou, terminé par une montagne aride. Le sommet en est couronné par la bouche d'un volcan formée de rochers calcinés et couverts de cendres)

Scène Première

CARLOS
Vous devez bannir de votre âme
La criminelle erreur qui séduit les Incas.
Vous l'avez promis à ma flamme.
Pourquoi différez-vous?
Non, vous ne m'aimez pas...

PHANI
Que vous pénétrez mal mon secret embarras!
Quel injuste soupçon!...
Quoi! Sans inquiétude, brise-t-on à la fois
Les liens du sang et des lois?
Excusez mon incertitude!

CARLOS
Dans un culte fatal, qui peut vous arrêter?

PHANI
Ne croyez point, Carlos, que ma raison balance!
Mais de nos fiers Incas je crains la violence...

CARLOS
Ah! Pouvez-vous les redouter?

PHANI
Sur ces monts, leurs derniers asiles,
La fête du Soleil va les ressembler tous...

CARLOS
Du trouble de leurs jeux,
que ne profitons-nous?

PHANI
Ils observent mes pas...

CARLOS
Leurs soins sont inutiles,
Si vous m'acceptez pour époux.

PHANI
Carlos, allez, pressez ce moment favorable,
Délivrez-moi d'un séjour détestable!
Mais ne venez pas seul... Quel funeste malheur!
Si votre mort...
Le peuple est barbare, implacable,
Et quelquefois le nombre accable
La plus intrépide valeur.
Ciel!

CARLOS
Pouviez-vous être alarmée?
Oubliez-vous que dans ces lieux
Un seul de nos guerriers triomphe d'une armée?

PHANI
Je sais vos exploits glorieux,
Et qu'à votre courage il n'est rien d'impossible.
Cependant, cher Carlos, empruntez du secours!

CARLOS
Que craignez-vous?

PHANI
Hélas! Je suis sensible;
Lorsque l'on aime, on craint toujours.

Scène Deuxième

PHANI
Viens, hymen, viens m'unir au vainqueur que j'adore!
Forme tes noeuds, enchaîne-moi!
Dans ces tendres instants où ma flamme t'implore,
L'amour même n'est pas plus aimable que toi.

Scène Troisième

HUASCAR
(à part)
Elle est seule... parlons! L'instant est favorable...
Mais je crains d'un rival l'obstacle redoutable.
Parlons au nom des Dieux
pour surprendre son coeur!
Tout ce que dit l'Amour est toujours pardonnable,
Et le ciel que je sers doit servir mon ardeur.

(à Phani)

Le dieu de nos climats dans ce beau jour m'inspire.
Princesse, le soleil daigne veiller sur vous,
Et lui-même dans notre empire,
Il prétend par ma voix vous nommer un époux.
Vous frémissez... D'où vient que votre coeur soupire?
Obéissons sans balancer
Lorsque le ciel commande!
Nous ne pouvons trop nous presser
D'accorder ce qu'il nous demande;
Y réfléchir, c'est l'offenser.

PHANI
Non, non, je ne crois pas tout ce que l'on assure
En attestant les cieux;
C'est souvent l'imposture
Qui parle au nom des Dieux.

HUASCAR
Pour les Dieux et pour moi, quelle coupable injure!
Je sais ce qui produit votre incrédulité,
C'est l'amour! Dans votre âme, il est seul écouté!

PHANI
L'amour! Que croyez-vous?

HUASCAR
Oui, vous aimez, perfide,
Un de nos vainqueurs inhumains.
Ciel! Mettras-tu toujours tes armes dans leurs mains?

PHANI
Redoutez le Dieu qui les guide!

HUASCAR
C'est l'or qu'avec empressement,
Sans jamais s'assouvir, ces barbares dévorent.
L'or qui de nos autels ne fait que l'ornement
Est le seul Dieu que nos tyrans adorent.

PHANI
Téméraire! Que dites-vous!
Révérez leur puissance, et craignez leur courroux.
Pour leur obtenir vos hommages,
Faut-il des miracles nouveaux?
Vous avez vu, de nos rivages,
Leurs villes voler sur les eaux;
Vous avez vu, dans l'horreur de la guerre,
Leur invincible bras disposer du tonnerre...

Scène Quatrième

(On entend un prélude qui annonce la fête du Soleil)

HUASCAR
(à part)
On vient, dissimulons mes transports à leurs yeux!

(à l'Inca qu'il appelle)

Vous savez mon projet.
Allez, qu'on m'obéisse...

(à part)

Je n'ai donc plus pour moi qu'un barbare artifice,
Qui de flamme et de sang inondera ces lieux.
Mais que ne risque point un amour furieux?

Scène Cinquième

(Fête du Soleil. Huascar, Phani, ramenée par des Incas, Pallas et Incas, Sacrificateurs, Péruviens et Péruviennes)

HUASCAR
Soleil, on a détruit tes superbes asiles,
Il ne te reste plus de temple que nos coeurs.
Daigne nous écouter dans ces déserts tranquilles!
Le zèle est pour les Dieux le plus cher des honneurs.

(Prélude pour l'adoration du Soleil. Les Pallas et Incas font leur adoration au Soleil)

HUASCAR
Brillant soleil, jamais nos yeux, dans ta carrière,
N'ont vu tomber de noirs frimas,
Et tu répands dans nos climats
Ta plus éclatante lumière.

CHOEUR
Brillant soleil, jamais nos yeux, dans ta carrière,
N'ont vu tomber de noirs frimas,
Et tu répands dans nos climats
Ta plus éclatante lumière.

(Air des Incas pour la dévotion du Soleil. Danse de Péruviens et de Péruviennes)

HUASCAR
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Ressentent tes bienfaits!
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Te doivent leurs attraits!

CHOEUR
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Ressentent tes bienfaits!
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Te doivent leurs attraits!

HUASCAR
Par toi dans nos champs tout abonde.
Nous ne pouvons compter les biens que tu nous fais.
Chantons-les seulement! Que l'écho nous réponde!
Que ton nom dans nos bois
retentisse à jamais!
Tu laisses l'univers dans une nuit profonde,
Lorsque tu disparais;
Et nos yeux, en perdant ta lumière féconde,
Perdent tous leurs plaisirs; la beauté perd ses traits.

(Loure en rondeau)

HUASCAR
Permettez, astre du jour,
Qu'en chantant vos feux
Nous chantions d'autres flammes.
Partagez, astre du jour,
L'encens de nos âmes
Avec le tendre amour.
Le soleil, en guidant nos pas,
Répand ses appâts
Dans les routes qu'il pare.
Raison, quand malgré tes soins,
L'amour nous égare,
Nous plaît-il moins?
Vous brillez, astre du jour,
Vous charmez nos yeux par l'éclat de vos flammes!
Vous brillez, astre du jour!
L'astre de nos âmes,
C'est le tendre amour.
De nos bois chassez la tristesse,
Régnez-y sans cesse, Dieux de nos coeurs!
De la nuit le voile sombre
Sur vos attraits n'étend jamais son ombre;
Tous les temps, aimables vainqueurs,
Sont marqués par vos faveurs.

(On danse, et la fête est troublée par un tremblement de terre)

Première Gavotte

Seconde Gavotte en Rondeau

(Tremblement de terre)

CHOEUR
Dans les abîmes de la terre,
Les vents se déclarent la guerre.

(L'air s'obscurcit, le tremblement redouble, le volcan s'allume et jette par tourbillons du feu et de la fumée)

CHOEUR
Les rochers embrasés s'élancent dans les airs,
Et portent jusqu'aux cieux les flammes des enfers.

(L'épouvante saisit les Péruviens, l'assemblée se disperse. Huascar arrête Phani. Le tremblement de terre semble s'apaiser)

Scène Sixième

HUASCAR
(à Phani qui traverse le théâtre en s'enfuyant)
Arrêtez!
Par ces feux le ciel vient de m'apprendre
Qu'à son arrêt il faut vous rendre,
Et l'hymen...

PHANI
Qu'allez-vous encore me révéler?
O jour funeste!
Dois-je croire que le ciel, jaloux de sa gloire,
Ne s'explique aux humains qu'en les faisant trembler?

HUASCAR
(l'arrêtant encore)
Vous fuyez, quand les Dieux daignent vous appeler!
Eh bien! cruelle, eh bien! vous allez me connaître.
Suivez l'amour jaloux!

PHANI
(se reculant)
Ton crime ose paraître!

HUASCAR
Que l'on est criminel lorsque l'on ne plaît pas!
Du moins en me suivant évitez le trépas!...
Ici je vois partout l'affreuse mort
Suivie d'un redoutable embrasement.
Chaque instant peut de votre vie
Devenir le dernier moment.

Scène Septième

HUASCAR
(à Phani)
Quoi! Plus que le péril mon amour vous étonne?
C'est trop me résister...

PHANI
O ciel, entends mes voeux!

HUASCAR
C'est aux miens qu'il vous abandonne.

CARLOS
(arrivant sur Huascar un poignard à la main)
Tu t'abuses, barbare!

PHANI
Ah! Carlos! Je frisonne.
Le soleil jusqu'au fond des antres les plus creux
Vient d'allumer la terre, et son courroux présage...

CARLOS
Princesse, quelle erreur!
C'est le ciel qu'elle outrage.
Cet embrasement dangereux
Du soleil n'est point l'ouvrage,
Il est celui de sa rage.
Un seul rocher jeté dans ces gouffres affreux,
Y réveillant l'ardeur de ces terribles feux,
Suffit pour exciter un si fatal ravage.
Le perfide espérait vous tromper dans ce jour,
Et que votre terreur servirait son amour.
Sur ces monts mes guerriers punissent ses complices,
Ils vont trouver dans ces noirs précipices
Des tombeaux dignes d'eux.

(à Huascar)

Mais il te faut de plus cruels supplices.

(à Phani)

Accordez votre main à son rival heureux,
C'est là son châtiment!

HUASCAR
Ciel! Qu'il est rigoureux.

PHANI, CARLOS
Pour jamais, l'amour nous engage.
Non, non, rien n'est égal à ma félicité.
Ah! Mon coeur a bien mérité
Le sort qu'avec vous il partage.

HUASCAR
Non, non, rien n'égale ma rage.
Je suis témoin de leur félicité.
Faut-il que mon coeur irrité
Ne puisse être vengé d'un si cruel outrage?

Scène Huitième

(Le volcan se rallume, te le tremblement de terre recommence)

HUASCAR
La flamme se rallume encore,
Loin de l'éviter, je l'implore...
Abîmes embrasés, j'ai trahi les autels.
Exercez l'emploi du tonnerre,
Vengez les droits des immortels,
Déchirez le sein de la terre
Sous mes pas chancelants!
Renversez, dispersez ces arides montagnes,
Lancez vos feux dans ces tristes campagnes,
Tombez sur moi, rochers brûlants.

(Le volcan vomit des rochers enflammés qui écrasent le criminel Huascar)
DEUXIÈME ENTRÉE


Les Incas du Pérou

(Le théâtre représente un désert du Pérou, terminé par une montagne aride. Le sommet en est couronné par la bouche d'un volcan formée de rochers calcinés et couverts de cendres)

Scène Première

CARLOS
Vous devez bannir de votre âme
La criminelle erreur qui séduit les Incas.
Vous l'avez promis à ma flamme.
Pourquoi différez-vous?
Non, vous ne m'aimez pas...

PHANI
Que vous pénétrez mal mon secret embarras!
Quel injuste soupçon!...
Quoi! Sans inquiétude, brise-t-on à la fois
Les liens du sang et des lois?
Excusez mon incertitude!

CARLOS
Dans un culte fatal, qui peut vous arrêter?

PHANI
Ne croyez point, Carlos, que ma raison balance!
Mais de nos fiers Incas je crains la violence...

CARLOS
Ah! Pouvez-vous les redouter?

PHANI
Sur ces monts, leurs derniers asiles,
La fête du Soleil va les ressembler tous...

CARLOS
Du trouble de leurs jeux,
que ne profitons-nous?

PHANI
Ils observent mes pas...

CARLOS
Leurs soins sont inutiles,
Si vous m'acceptez pour époux.

PHANI
Carlos, allez, pressez ce moment favorable,
Délivrez-moi d'un séjour détestable!
Mais ne venez pas seul... Quel funeste malheur!
Si votre mort...
Le peuple est barbare, implacable,
Et quelquefois le nombre accable
La plus intrépide valeur.
Ciel!

CARLOS
Pouviez-vous être alarmée?
Oubliez-vous que dans ces lieux
Un seul de nos guerriers triomphe d'une armée?

PHANI
Je sais vos exploits glorieux,
Et qu'à votre courage il n'est rien d'impossible.
Cependant, cher Carlos, empruntez du secours!

CARLOS
Que craignez-vous?

PHANI
Hélas! Je suis sensible;
Lorsque l'on aime, on craint toujours.

Scène Deuxième

PHANI
Viens, hymen, viens m'unir au vainqueur que j'adore!
Forme tes noeuds, enchaîne-moi!
Dans ces tendres instants où ma flamme t'implore,
L'amour même n'est pas plus aimable que toi.

Scène Troisième

HUASCAR
(à part)
Elle est seule... parlons! L'instant est favorable...
Mais je crains d'un rival l'obstacle redoutable.
Parlons au nom des Dieux
pour surprendre son coeur!
Tout ce que dit l'Amour est toujours pardonnable,
Et le ciel que je sers doit servir mon ardeur.

(à Phani)

Le dieu de nos climats dans ce beau jour m'inspire.
Princesse, le soleil daigne veiller sur vous,
Et lui-même dans notre empire,
Il prétend par ma voix vous nommer un époux.
Vous frémissez... D'où vient que votre coeur soupire?
Obéissons sans balancer
Lorsque le ciel commande!
Nous ne pouvons trop nous presser
D'accorder ce qu'il nous demande;
Y réfléchir, c'est l'offenser.

PHANI
Non, non, je ne crois pas tout ce que l'on assure
En attestant les cieux;
C'est souvent l'imposture
Qui parle au nom des Dieux.

HUASCAR
Pour les Dieux et pour moi, quelle coupable injure!
Je sais ce qui produit votre incrédulité,
C'est l'amour! Dans votre âme, il est seul écouté!

PHANI
L'amour! Que croyez-vous?

HUASCAR
Oui, vous aimez, perfide,
Un de nos vainqueurs inhumains.
Ciel! Mettras-tu toujours tes armes dans leurs mains?

PHANI
Redoutez le Dieu qui les guide!

HUASCAR
C'est l'or qu'avec empressement,
Sans jamais s'assouvir, ces barbares dévorent.
L'or qui de nos autels ne fait que l'ornement
Est le seul Dieu que nos tyrans adorent.

PHANI
Téméraire! Que dites-vous!
Révérez leur puissance, et craignez leur courroux.
Pour leur obtenir vos hommages,
Faut-il des miracles nouveaux?
Vous avez vu, de nos rivages,
Leurs villes voler sur les eaux;
Vous avez vu, dans l'horreur de la guerre,
Leur invincible bras disposer du tonnerre...

Scène Quatrième

(On entend un prélude qui annonce la fête du Soleil)

HUASCAR
(à part)
On vient, dissimulons mes transports à leurs yeux!

(à l'Inca qu'il appelle)

Vous savez mon projet.
Allez, qu'on m'obéisse...

(à part)

Je n'ai donc plus pour moi qu'un barbare artifice,
Qui de flamme et de sang inondera ces lieux.
Mais que ne risque point un amour furieux?

Scène Cinquième

(Fête du Soleil. Huascar, Phani, ramenée par des Incas, Pallas et Incas, Sacrificateurs, Péruviens et Péruviennes)

HUASCAR
Soleil, on a détruit tes superbes asiles,
Il ne te reste plus de temple que nos coeurs.
Daigne nous écouter dans ces déserts tranquilles!
Le zèle est pour les Dieux le plus cher des honneurs.

(Prélude pour l'adoration du Soleil. Les Pallas et Incas font leur adoration au Soleil)

HUASCAR
Brillant soleil, jamais nos yeux, dans ta carrière,
N'ont vu tomber de noirs frimas,
Et tu répands dans nos climats
Ta plus éclatante lumière.

CHOEUR
Brillant soleil, jamais nos yeux, dans ta carrière,
N'ont vu tomber de noirs frimas,
Et tu répands dans nos climats
Ta plus éclatante lumière.

(Air des Incas pour la dévotion du Soleil. Danse de Péruviens et de Péruviennes)

HUASCAR
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Ressentent tes bienfaits!
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Te doivent leurs attraits!

CHOEUR
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Ressentent tes bienfaits!
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Te doivent leurs attraits!

HUASCAR
Par toi dans nos champs tout abonde.
Nous ne pouvons compter les biens que tu nous fais.
Chantons-les seulement! Que l'écho nous réponde!
Que ton nom dans nos bois
retentisse à jamais!
Tu laisses l'univers dans une nuit profonde,
Lorsque tu disparais;
Et nos yeux, en perdant ta lumière féconde,
Perdent tous leurs plaisirs; la beauté perd ses traits.

(Loure en rondeau)

HUASCAR
Permettez, astre du jour,
Qu'en chantant vos feux
Nous chantions d'autres flammes.
Partagez, astre du jour,
L'encens de nos âmes
Avec le tendre amour.
Le soleil, en guidant nos pas,
Répand ses appâts
Dans les routes qu'il pare.
Raison, quand malgré tes soins,
L'amour nous égare,
Nous plaît-il moins?
Vous brillez, astre du jour,
Vous charmez nos yeux par l'éclat de vos flammes!
Vous brillez, astre du jour!
L'astre de nos âmes,
C'est le tendre amour.
De nos bois chassez la tristesse,
Régnez-y sans cesse, Dieux de nos coeurs!
De la nuit le voile sombre
Sur vos attraits n'étend jamais son ombre;
Tous les temps, aimables vainqueurs,
Sont marqués par vos faveurs.

(On danse, et la fête est troublée par un tremblement de terre)

Première Gavotte

Seconde Gavotte en Rondeau

(Tremblement de terre)

CHOEUR
Dans les abîmes de la terre,
Les vents se déclarent la guerre.

(L'air s'obscurcit, le tremblement redouble, le volcan s'allume et jette par tourbillons du feu et de la fumée)

CHOEUR
Les rochers embrasés s'élancent dans les airs,
Et portent jusqu'aux cieux les flammes des enfers.

(L'épouvante saisit les Péruviens, l'assemblée se disperse. Huascar arrête Phani. Le tremblement de terre semble s'apaiser)

Scène Sixième

HUASCAR
(à Phani qui traverse le théâtre en s'enfuyant)
Arrêtez!
Par ces feux le ciel vient de m'apprendre
Qu'à son arrêt il faut vous rendre,
Et l'hymen...

PHANI
Qu'allez-vous encore me révéler?
O jour funeste!
Dois-je croire que le ciel, jaloux de sa gloire,
Ne s'explique aux humains qu'en les faisant trembler?

HUASCAR
(l'arrêtant encore)
Vous fuyez, quand les Dieux daignent vous appeler!
Eh bien! cruelle, eh bien! vous allez me connaître.
Suivez l'amour jaloux!

PHANI
(se reculant)
Ton crime ose paraître!

HUASCAR
Que l'on est criminel lorsque l'on ne plaît pas!
Du moins en me suivant évitez le trépas!...
Ici je vois partout l'affreuse mort
Suivie d'un redoutable embrasement.
Chaque instant peut de votre vie
Devenir le dernier moment.

Scène Septième

HUASCAR
(à Phani)
Quoi! Plus que le péril mon amour vous étonne?
C'est trop me résister...

PHANI
O ciel, entends mes voeux!

HUASCAR
C'est aux miens qu'il vous abandonne.

CARLOS
(arrivant sur Huascar un poignard à la main)
Tu t'abuses, barbare!

PHANI
Ah! Carlos! Je frisonne.
Le soleil jusqu'au fond des antres les plus creux
Vient d'allumer la terre, et son courroux présage...

CARLOS
Princesse, quelle erreur!
C'est le ciel qu'elle outrage.
Cet embrasement dangereux
Du soleil n'est point l'ouvrage,
Il est celui de sa rage.
Un seul rocher jeté dans ces gouffres affreux,
Y réveillant l'ardeur de ces terribles feux,
Suffit pour exciter un si fatal ravage.
Le perfide espérait vous tromper dans ce jour,
Et que votre terreur servirait son amour.
Sur ces monts mes guerriers punissent ses complices,
Ils vont trouver dans ces noirs précipices
Des tombeaux dignes d'eux.

(à Huascar)

Mais il te faut de plus cruels supplices.

(à Phani)

Accordez votre main à son rival heureux,
C'est là son châtiment!

HUASCAR
Ciel! Qu'il est rigoureux.

PHANI, CARLOS
Pour jamais, l'amour nous engage.
Non, non, rien n'est égal à ma félicité.
Ah! Mon coeur a bien mérité
Le sort qu'avec vous il partage.

HUASCAR
Non, non, rien n'égale ma rage.
Je suis témoin de leur félicité.
Faut-il que mon coeur irrité
Ne puisse être vengé d'un si cruel outrage?

Scène Huitième

(Le volcan se rallume, te le tremblement de terre recommence)

HUASCAR
La flamme se rallume encore,
Loin de l'éviter, je l'implore...
Abîmes embrasés, j'ai trahi les autels.
Exercez l'emploi du tonnerre,
Vengez les droits des immortels,
Déchirez le sein de la terre
Sous mes pas chancelants!
Renversez, dispersez ces arides montagnes,
Lancez vos feux dans ces tristes campagnes,
Tombez sur moi, rochers brûlants.

(Le volcan vomit des rochers enflammés qui écrasent le criminel Huascar)


最終更新:2013年06月08日 22:12