Scène Neuvième

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Puck)
Ne vous éloignez pas, mon cher maître

(à Boum)

Vous non plus, général
Tout à l’heure, nous examinerons
Votre plan de campagne.

BOUM
Altesse, il est excellent.

LA GRANDE-DUCHESSE
Je veux le croire
Allez, je vous ferai appeler.

(Boum et Puck entrent dans la tente)

Le prince Paul! ah!
Maintenant il m’est plus
Insupportable que jamais!

(Entre par à droite, le prince Paul. Il est en marié)

Scène Dixième

LE PRINCE PAUL
(d’un air piteux vers la Grande-duchesse)
Eh bien, altesse,
Ce n’est donc pas
Encore pour aujourd’hui?

LA GRANDE-DUCHESSE
Mais, prince
Qu’est-ce que c’est que ce costume?

LE PRINCE PAUL
(satisfait)
Ah! Vous l’avez remarqué
C’est un costume de marié
Je l’ai mis parce
Que j’espérais vous décider.

LA GRANDE-DUCHESSE
À vous épouser aujourd’hui?
Cela est impossible, mon cher prince
Trop de choses à faire
Un plan de campagne à examiner
Mon armée qui part
Songez donc!
Je n’aurai jamais le temps de me marier!

LE PRINCE PAUL
Vous me donnez toujours des raisons.

LA GRANDE-DUCHESSE
Ne sont-elles pas excellentes?

LE PRINCE PAUL
Mais c’est que voilà six mois que vous
Me donnez des raisons excellentes!
Ce matin encore, le baron Grog,
Ce messager d’amour,
Que vous n’avez pas voulu
Admettre en votre présence
Il a reçu une lettre de Papa.

LA GRANDE-DUCHESSE
Et que dit votre Papa, dans cette lettre?

LE PRINCE PAUL
Il dit que tout ça finit par l’ennuyer
Voilà six mois que j’ai quitté
Sa cour afin de venir ici vous épouser.
Il me fait une grosse pension,
Pour que je puisse soutenir
Mon rang de fiancé
Je mange la pension
Et je ne vous épouse.
Pas ça l’ennuie,
Cet homme il voudrait
Savoir à quoi s’en tenir.

LA GRANDE-DUCHESSE
En vérité?

LE PRINCE PAUL
Dame!
Oui parce que,
Si je ne dois pas vous épouser,
Papa prendrait un parti
Et me dirigerait sur
Une autre Grande-duchesse.

LA GRANDE-DUCHESSE
Rassurez l’Electeur votre père
Ce mariage se fera un jour ou l’autre.

LE PRINCE PAUL
Vous me dites toujours ça
Mon mariage a été annoncé
A toutes les cours de l’univers
Il a les yeux sur moi, l’univers
Et il doit commencer à trouver
Que je fais une drôle de figure.

LA GRANDE-DUCHESSE
Le fait est que si l’univers
Vous voyait en ce moment!

LE PRINCE PAUL
Et puis, il y a encore quelque chose
Qui m’est plus sensible que tout

LA GRANDE-DUCHESSE
Et quoi donc, mon dieu?

LE PRINCE PAUL
(tirant de sa poche un journal)
Voyez, altesse

LA GRANDE-DUCHESSE
Qu’est-ce que c’est que ça?

LE PRINCE PAUL
C’est une gazette imprimée en Hollande
On parle de moi, là dedans.

LA GRANDE-DUCHESSE
Allons donc!

LE PRINCE PAUL
Mon dieu, oui
On ose parler de moi
Il a paru depuis quelque temps
Une race d’hommes qui s’est donné
Pour mission de parler de tout,
D’écrire sur tout,
Afin d’amuser le public
On les appelle des gazetiers
Ils osent entrer dans la vie privée,
Ce qui est monstrueux,
Et ce qui est plus monstrueux encore,
C’est qu’ils osent
Entrer dans ma vie privée, à moi!
Écoutez un peu.

(Il lit la gazette de Hollande)

"Pour épouser une princesse,
Le prince Paul s’en est allé;
Mais il paraît que rien ne presse:
Le mariage est reculé!
Tous les jours, quand paraît l’aurore,
Le prince Paul met des gants blancs:
Est-ce aujourd’hui? non, pas encore
Alors le prince ôte ses gants
Le prince Paul a l’âme grande:
Il souffre, mais il se tient coi"

(avec éclat.)

Voilà ce que l’on dit de moi
Dans la gazette de hollande!

LA GRANDE-DUCHESSE
Il faut toujours ajouter foi
À la gazette de Hollande!

LE PRINCE PAUL
Mais ce n’est pas tout, altesse
écoutez la suite.

(Lisant encore)

Le prince était tout feu, tout flamme,
En arrivant à cette cour;
Le prince était brûlant d’amour,
En arrivant près de sa dame.
Il a tant brûlé qu’on suppose,
Après six mois de ce jeu-là,
Qu’il ne doit pas rester grand-chose
De tout ce feu dont il brûla
Dans ta poche mets ta demande,
Prince Paul, et rentre chez toi
Voilà ce que l’on dit de moi
Dans la gazette de Hollande!

LA GRANDE-DUCHESSE
Il faut toujours ajouter foi
À la gazette de Hollande!

(la Grande-duchesse rit de plus belle)

LE PRINCE PAUL
Méchante!

Scène Onzième

FRITZ
(en capitaine)
Eh bien, voilà!

LA GRANDE-DUCHESSE
Ah! Il est encore mieux comme cela!

(au prince Paul)

Regardez, prince,
Et dites-moi ce que vous en pensez.

LE PRINCE PAUL
C’est un beau gars.

LA GRANDE-DUCHESSE
N’est-ce pas qu’on est fière
De commander à de pareils hommes?

(à Fritz)

Monsieur le capitaine?

FRITZ
Altesse?

LA GRANDE-DUCHESSE
(montrant la tente)
Entrez là, et dites au général Boum
Et au baron Puck que nous les attendons.

FRITZ
Eh bien, je veux bien leur dire!

(Il entre dans la tente)

LE PRINCE PAUL
Altesse?

LA GRANDE-DUCHESSE
(avec impatience)
Quoi encore?

LE PRINCE PAUL
Vous ne m’avez pas répondu.

LA GRANDE-DUCHESSE
Que voulez-vous que je réponde, prince!
La première fois que
Les soucis du gouvernement
Me laisseront une minute pour m’occuper
de mon bonheur particulier,
Je profiterai de cette minute
Pour vous épouser
Jusque-là, il faut attendre.

LE PRINCE PAUL
(avec désespoir)
Toujours des fins de non recevoir!

(Le général Boum, le baron Puck et le capitaine Fritz sortent de la tente)

Scène Douzième

LA GRANDE-DUCHESSE
Nous allons examiner
Le plan de campagne du général Boum

(au prince Paul)

Je pense, prince, que vous voudrez bien
Nous aider de vos lumières.

LE PRINCE PAUL
(d’un ton boudeur)
Comme il vous plaira!

LA GRANDE-DUCHESSE
Oh! Le vilain, qui est fâché!

LE PRINCE PAUL
(du même ton)
C’est vrai, ça
Vous me faites toujours assister au conseil.

LA GRANDE-DUCHESSE
N’est-ce pas tout naturel?
Et, puisque vous devez être mon mari,
Ne devez-vous pas avoir les privilèges?

LE PRINCE PAUL
C’est vrai
Vous ne me refusez aucun
Des privilèges de la politique
Mais il y en a d’autres.

LA GRANDE-DUCHESSE
Qu’est-ce que c’est?

LE PRINCE PAUL
(à part)
Fatale timidité!

LA GRANDE-DUCHESSE
Asseyez-vous, messieurs.

(Boum s’assied devant la table, et Puck sur le siège de droite. À Fritz)

Vous, capitaine

(Boum lui fait signe de se retirer)

Vous veillerez sur notre personne.

FRITZ
N’ayez pas peur!

BOUM
(regardant Fritz)
Mais je ne sais, alors,
Si je dois développer mes plans.

LA GRANDE-DUCHESSE
Ne vous inquiétez pas de cela,
Général et parlez.

BOUM
Rien de plus simple
Voyez-vous, altesse,
L’art de la guerre peut
Se résumer en deux mots:
Couper et envelopper.

LA GRANDE-DUCHESSE
Comme la galette, alors?

BOUM
Absolument, altesse
Donc, pour arriver à couper
Et à envelopper,
Voici ce que je fais
Je partage mon armée en trois corps.

PUCK
Très bien!

BOUM
Il y en aura un qui ira à droite.

LE PRINCE PAUL
Très bien!

BOUM
Un autre qui ira à gauche.

PUCK
Très bien!

BOUM
Et un autre qui ira au milieu.

LE PRINCE PAUL
Très bien!

BOUM
Mon armée ainsi disposée
Se rendra par trois chemins différents
Vers le point unique
Où j’ai résolu de me concentrer
Où est-il, ce point unique?
Je n’en sais rien
Mais ce que je sais bien,
C’est que je battrai l’ennemi!
Je le battrai!

LA GRANDE-DUCHESSE
Contenez-vous.

PUCK
(à Boum)
Je vous en prie.

BOUM
(avec plus de force)
Je vous dis que je le battrai!

LA GRANDE-DUCHESSE
Je ne vous dis pas le contraire
Mais vous allez vous faire du mal.

BOUM
C’est pour mon pays!

(se levant et tirant son sabre)

L’ennemi! où est l’ennemi?
Qu’on me conduise à l’ennemi!

(Puck le calme et l’oblige à se rasseoir)

FRITZ
(ricanant)
Mais vous irez tout à l’heure
Par vos trois chemins!

PUCK
(à Fritz avec sévérité)
Taisez-vous, monsieur!

FRITZ
(ricanant toujours)
Ses trois chemins!
Elle est trop forte, celle-là!
Ses trois chemins!

BOUM
(furieux)
Qu’est-ce qu’il dit?

FRITZ
C’est bête comme tout,
Vos trois chemins!

LE PRINCE PAUL
Par exemple!

BOUM
Je vous ferai fusiller, moi!

PUCK
Parler ainsi au général!

LA GRANDE-DUCHESSE
Un peu de silence, messieurs!

(à Fritz)

Vous dites donc, monsieur le capitaine
Qu’il n’y a rien de bête
Comme les trois chemins
Du général Boum.

FRITZ
(se rapprochant de la table)
Sans doute, je le dis! et je le prouve!

PUCK
(à la Grande-duchesse)
Je ferai respectueusement
Observer à votre altesse
Que cet homme n’a pas
Le droit de prendre la parole.

BOUM
Non, il n’a pas le droit!

PUCK
Il faut être officier supérieur!

LE PRINCE PAUL
Il faut être noble!

BOUM
Il n’a pas le droit!

PUCK
Il n’a pas le droit.

LA GRANDE-DUCHESSE
Silence, messieurs!
Ou, par ma vertu,
Je ferai tomber la tête
Du premier qui ne se taira pas!
Vous dites donc que,
Pour avoir le droit de parler,
Il faut qu’il soit officier supérieur
Je le fais général

(à Boum)

comme vous
Il faut qu’il soit noble?
Je le fais
baron de Vermout-von-Bock-Bier,
Comte d’Avall-Vintt-Katt-Schopp-Vergismein-Nicht!
Cela suffit-il, messieurs?
A t-il le droit de parler, maintenant?

BOUM
Altesse.

LE PRINCE PAUL
(bas, à Puck)
Ah çà! Mais, dites donc.
Ah çà! Mais, dites donc.

PUCK
(bas)
Silence! nous causerons.

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Fritz)
Asseyez-vous, général
Et dites ce que vous avez à dire.

(Puck s’empresse d’indiquer à Fritz le siège qu’occupait le général)

FRITZ
Au lieu d’aller à l’ennemi
Par trois chemins.

LA GRANDE-DUCHESSE
(regardant son habit)
Voyez-vous, général,
Le collet est un peu trop élevé
Il faudrait six bonnes lignes de moins
Pour dégager le cou
Continuez, mon ami.

(à part)

Dieu! Qu’il est bien!

FRITZ
Je disais donc qu’il faut aller
Tout droit à l’ennemi,
Par un seul chemin.
On le rencontre et puis, dame,
Là, avec les camarades,
On cogne tant qu’on peut cogner
On cogne, et voilà!

LA GRANDE-DUCHESSE
C’est très bien
Et voilà le plan
Que vous devrez suivre,
Général Boum.

BOUM
Je ne le suivrai pas!

LA GRANDE-DUCHESSE
Comment?

BOUM
Je suis responsable envers votre altesse
Du sang de ses soldats
Avec mon plan,
J’étais sûr de mon affaire
Il n’y avait pas de bataille possible
Avec le sien, je ne réponds de rien.

LA GRANDE-DUCHESSE
Ainsi, vous refusez?

BOUM
Je refuse
Que monsieur le baron de...
Comment a dit votre altesse?

FRITZ
Baron de Vermout-von-Bock-Bier,
Et comte d’Avall-Vintt-Katt-
Schopp-Vergismein-Nicht!

(a la Grande-duchesse)

Il a bien entendu,
C’est des manières, tout ça.

BOUM
Que monsieur le baron
Exécute son plan, s’il le veut!

FRITZ
Mais certainement!

LA GRANDE-DUCHESSE
Vraiment?
Et vous gagneriez la bataille?

FRITZ
Où je la perdrais tout comme un autre.

LA GRANDE-DUCHESSE
Baron de Vermout-von-Bock-Bier?

FRITZ
Altesse?

LA GRANDE-DUCHESSE
Que le ciel favorise
Le succès de vos armes!
A partir de ce moment,
Vous êtes le général en chef
De mes armées!

FRITZ
(à Boum)
À moi le panache, monsieur!

BOUM
Mille millions!

(Puck le calme, lui enlève le panache et le met au chapeau de Fritz)

FRITZ
(à Boum)
Hou! Le mauvais soldat!

BOUM
Oh!

PUCK
(bas)
Contenez-vous
Nous sommes trois
Qui avons à nous venger
Et nous nous vengerons.

LA GRANDE-DUCHESSE
(regardant Fritz)
Ah! Qu’il est bien! qu’il est bien!
Général Fritz, je veux à l’instant
Vous faire reconnaître par l’armée
Faites mettre sous les armes
L’armée entière, général Boum.

BOUM
Moi! sous les ordres!

PUCK
(bas, à Boum)
Obéissez.
Son cœur a parlé
Voilà ce que je craignais!

(Boum hurle un commandement militaire, avec des mots précipités et inarticulés. Les soldats rentrent par à droite. Les demoiselles d’honneur sortent de la tente. Les paysannes arrivent du fond. Wanda, qui est entrée par la gauche, se place de ce coté devant les paysannes, un peu en arrière de Fritz. Pendant ce mouvement, le prince Paul est allé rejoindre Boum et Puck à l’extrême droite)

Scène Treizième

CHŒUR DES SOLDATS
Nous allons partir pour la guerre,
Tambour battant!
Encore un regard en arrière,
Puis en avant!
Nous allons partir pour la guerre,
Tambour battant!

LA GRANDE-DUCHESSE
(aux soldats)
Écoutez tous la voix de votre souveraine

(montrant Fritz)

Voici le nouveau général!

CHŒUR
Lui, notre général!

LA GRANDE-DUCHESSE
Oui, soldats, et je suis certaine
Qu’il ne s’en tirera pas mal.

LE PRINCE PAUL, BOUM, PUCK
(à part)
Unissons nous pour la vengeance
Soyons adroits!
Il est seul et nous, quelle chance!
Nous sommes trois!

WANDA
(à Fritz, en descendant près de lui)
Toi, général en chef!

FRITZ
Eh! Mon dieu, tu vois bien!

WANDA
Ah! Tu vas m’oublier.

FRITZ
Mignonne, ne crains rien.

WANDA
Tu m’aimeras toujours?

FRITZ
Toujours! n’en doute pas.

WANDA
Dis encore une fois!

FRITZ
Autant que tu voudras!

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Fritz et Wanda, avec impatience)
Quand vous aurez
Fini de vous parler, là-bas,
Vous vous rappellerez
Que j’attends, n’est-ce pas?

CHŒUR
Elle jette sur eux
Des regards furieux!

LA GRANDE-DUCHESSE
(à part, se contenant)
Mais je suis reine,
Et mon devoir, pour garder mon prestige,
M’oblige à ne rien laisser voir.

(haut, à Népomuc)

Allez, monsieur,
Et me donnez a l’instant
Ce que vous savez.

(Népomuc sort par la droite. La Grande-duchesse fait signe à Fritz de venir près d’elle)

TOUS
Qu’est-ce que ça peut être?

(Népomuc entre, apportant un sabre qu’il porte haut et avec respect)

TOUS
Un sabre!

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Fritz, montrant le sabre)
Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à ton côté!
Ton bras est fort, ton âme est fière,
Ce glaive sera bien porté!
Quand papa s’en allait en guerre,
Du moins on me l’a raconté,
Des mains de mon auguste mère
Il prenait ce fer redouté
Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à son côté!

CHŒUR
Voici le sabre de son père!
Il va le mettre à ton côté!

LA GRANDE-DUCHESSE
(prenant le sabre)
Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à ton côté!
Après la victoire,
J’espère, te revoir en bonne santé;
Car, si tu mourais à la guerre,
J’aurais trop peur, en vérité,
De n’avoir plus jamais sur terre
Un moment de félicité!

(se remettant et avec noblesse)

Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à son côté!

(Elle donne le sabre à Fritz)

CHŒUR
Voici le sabre de son père!
Il va le mettre à ton côté!

FRITZ
Vous pouvez sans terreur
Confier à mon bras
Le sabre vénéré
De monsieur votre père
Je reviendrai vainqueur,
ou ne reviendrai pas!

LA GRANDE-DUCHESSE
Tu reviendras vainqueur!

BOUM, PUCK, LE PRINCE PAUL
(à part)
Il ne reviendra pas!

CHŒUR
Il reviendra vainqueur!

BOUM, PUCK ET LE PRINCE PAUL
(à part)
Il ne reviendra pas!

CHŒUR
(avec énergie)
Reviendra!

BOUM, PUCK, LE PRINCE PAUL
(avec encore plus d’énergie)
Reviendra pas!

(Fritz donne le sabre à Wanda, qui le contemple avec admiration)

FRITZ
Je serai vainqueur,
Grâce à ma valeur!
Mon artillerie,
Ma cavalerie,
Mon infanterie,
Tout cela sera,
Je le vois déjà,
Sera triomphant!
Et, tambour battant,
Le long des chemins,
Au fond des ravins,
On se répandra,
On envahira,
L’ennemi fuira;
On le traquera,
Le dispersera
Et l’enfoncera!
Gaîment nous irons,
Nous élancerons;
Nous brûlerons tout,
Pillerons partout.
Ce sera parfait!
Du choix qu’elle a fait
Ce sera l’effet!
Ce sera parfait!
Pour nous quand viendra,
Après tout cela,
Le temps du repos,
On nous recevra comme des héros!

BOUM, PUCK, LE PRINCE PAUL
Il sera vaincu,
Il sera battu!
Son artillerie,
Sa cavalerie,
Son infanterie,
Tout cela sera,
Je le vois déjà,
Ecrasé, brossé,
Brisé, dispersé
Et dans les chemins,
Et dans les ravins,
Il en laissera,
Il en oubliera;
On le poursuivra,
On le traquera,
Et les ennemis
De notre pays
Gaîment entreront
Et se répandront;
Ils brûleront tout,
Pilleront partout
Ce sera bien fait!
Du choix qu’elle a fait
Ce sera l’effet!
Ce sera bien fait!
Et nous, réjouis,
Voyant ce gâchis,
Nous, n’en pouvant plus,
Nous rirons tous trois comme des bossus.

LES AUTRES
Il sera vainqueur,
Grâce à sa valeur!
Son artillerie,
Sa cavalerie,
Son infanterie,
Tout cela sera,
Je le vois déjà,
Sera triomphant! etc.
Gaîment nous irons / ils iront,
Nous élancerons / ils s’élanceront;
Nous brûlerons tout / ils brûleront tout,
Pillerons partout / pilleront partout
Ce sera parfait!
Du choix qu’elle a fait j’ai fait
Ce sera l’effet!
Ce sera parfait!
Pour nous / eux quand viendra,
Après tout cela,
Le temps du repos,
On nous/on les recevra
Comme des héros!

(Pendant le chœur suivant, l’armée se met en marche vient défiler devant la Grande-duchesse. Fritz est en tête)

CHŒUR GENERAL
Partons/partez, musique en tête!
Musique en tête, en avant!
Partons pour nous/
Partez pour vous,
C’est une fête!
Partons/partez, en chantant!
En avant!

LA GRANDE-DUCHESSE
Vous oubliez le sabre de mon père!

CHŒUR
Vous oubliez le sabre de son père!

(Fritz accourt reprendre le sabre et, le brandissant, se remet en tête de son armée. Le défilé continue sur la reprise du chœur)
Scène Neuvième

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Puck)
Ne vous éloignez pas, mon cher maître

(à Boum)

Vous non plus, général
Tout à l’heure, nous examinerons
Votre plan de campagne.

BOUM
Altesse, il est excellent.

LA GRANDE-DUCHESSE
Je veux le croire
Allez, je vous ferai appeler.

(Boum et Puck entrent dans la tente)

Le prince Paul! ah!
Maintenant il m’est plus
Insupportable que jamais!

(Entre par à droite, le prince Paul. Il est en marié)

Scène Dixième

LE PRINCE PAUL
(d’un air piteux vers la Grande-duchesse)
Eh bien, altesse,
Ce n’est donc pas
Encore pour aujourd’hui?

LA GRANDE-DUCHESSE
Mais, prince
Qu’est-ce que c’est que ce costume?

LE PRINCE PAUL
(satisfait)
Ah! Vous l’avez remarqué
C’est un costume de marié
Je l’ai mis parce
Que j’espérais vous décider.

LA GRANDE-DUCHESSE
À vous épouser aujourd’hui?
Cela est impossible, mon cher prince
Trop de choses à faire
Un plan de campagne à examiner
Mon armée qui part
Songez donc!
Je n’aurai jamais le temps de me marier!

LE PRINCE PAUL
Vous me donnez toujours des raisons.

LA GRANDE-DUCHESSE
Ne sont-elles pas excellentes?

LE PRINCE PAUL
Mais c’est que voilà six mois que vous
Me donnez des raisons excellentes!
Ce matin encore, le baron Grog,
Ce messager d’amour,
Que vous n’avez pas voulu
Admettre en votre présence
Il a reçu une lettre de Papa.

LA GRANDE-DUCHESSE
Et que dit votre Papa, dans cette lettre?

LE PRINCE PAUL
Il dit que tout ça finit par l’ennuyer
Voilà six mois que j’ai quitté
Sa cour afin de venir ici vous épouser.
Il me fait une grosse pension,
Pour que je puisse soutenir
Mon rang de fiancé
Je mange la pension
Et je ne vous épouse.
Pas ça l’ennuie,
Cet homme il voudrait
Savoir à quoi s’en tenir.

LA GRANDE-DUCHESSE
En vérité?

LE PRINCE PAUL
Dame!
Oui parce que,
Si je ne dois pas vous épouser,
Papa prendrait un parti
Et me dirigerait sur
Une autre Grande-duchesse.

LA GRANDE-DUCHESSE
Rassurez l’Electeur votre père
Ce mariage se fera un jour ou l’autre.

LE PRINCE PAUL
Vous me dites toujours ça
Mon mariage a été annoncé
A toutes les cours de l’univers
Il a les yeux sur moi, l’univers
Et il doit commencer à trouver
Que je fais une drôle de figure.

LA GRANDE-DUCHESSE
Le fait est que si l’univers
Vous voyait en ce moment!

LE PRINCE PAUL
Et puis, il y a encore quelque chose
Qui m’est plus sensible que tout

LA GRANDE-DUCHESSE
Et quoi donc, mon dieu?

LE PRINCE PAUL
(tirant de sa poche un journal)
Voyez, altesse

LA GRANDE-DUCHESSE
Qu’est-ce que c’est que ça?

LE PRINCE PAUL
C’est une gazette imprimée en Hollande
On parle de moi, là dedans.

LA GRANDE-DUCHESSE
Allons donc!

LE PRINCE PAUL
Mon dieu, oui
On ose parler de moi
Il a paru depuis quelque temps
Une race d’hommes qui s’est donné
Pour mission de parler de tout,
D’écrire sur tout,
Afin d’amuser le public
On les appelle des gazetiers
Ils osent entrer dans la vie privée,
Ce qui est monstrueux,
Et ce qui est plus monstrueux encore,
C’est qu’ils osent
Entrer dans ma vie privée, à moi!
Écoutez un peu.

(Il lit la gazette de Hollande)

"Pour épouser une princesse,
Le prince Paul s’en est allé;
Mais il paraît que rien ne presse:
Le mariage est reculé!
Tous les jours, quand paraît l’aurore,
Le prince Paul met des gants blancs:
Est-ce aujourd’hui? non, pas encore
Alors le prince ôte ses gants
Le prince Paul a l’âme grande:
Il souffre, mais il se tient coi"

(avec éclat.)

Voilà ce que l’on dit de moi
Dans la gazette de hollande!

LA GRANDE-DUCHESSE
Il faut toujours ajouter foi
À la gazette de Hollande!

LE PRINCE PAUL
Mais ce n’est pas tout, altesse
écoutez la suite.

(Lisant encore)

Le prince était tout feu, tout flamme,
En arrivant à cette cour;
Le prince était brûlant d’amour,
En arrivant près de sa dame.
Il a tant brûlé qu’on suppose,
Après six mois de ce jeu-là,
Qu’il ne doit pas rester grand-chose
De tout ce feu dont il brûla
Dans ta poche mets ta demande,
Prince Paul, et rentre chez toi
Voilà ce que l’on dit de moi
Dans la gazette de Hollande!

LA GRANDE-DUCHESSE
Il faut toujours ajouter foi
À la gazette de Hollande!

(la Grande-duchesse rit de plus belle)

LE PRINCE PAUL
Méchante!

Scène Onzième

FRITZ
(en capitaine)
Eh bien, voilà!

LA GRANDE-DUCHESSE
Ah! Il est encore mieux comme cela!

(au prince Paul)

Regardez, prince,
Et dites-moi ce que vous en pensez.

LE PRINCE PAUL
C’est un beau gars.

LA GRANDE-DUCHESSE
N’est-ce pas qu’on est fière
De commander à de pareils hommes?

(à Fritz)

Monsieur le capitaine?

FRITZ
Altesse?

LA GRANDE-DUCHESSE
(montrant la tente)
Entrez là, et dites au général Boum
Et au baron Puck que nous les attendons.

FRITZ
Eh bien, je veux bien leur dire!

(Il entre dans la tente)

LE PRINCE PAUL
Altesse?

LA GRANDE-DUCHESSE
(avec impatience)
Quoi encore?

LE PRINCE PAUL
Vous ne m’avez pas répondu.

LA GRANDE-DUCHESSE
Que voulez-vous que je réponde, prince!
La première fois que
Les soucis du gouvernement
Me laisseront une minute pour m’occuper
de mon bonheur particulier,
Je profiterai de cette minute
Pour vous épouser
Jusque-là, il faut attendre.

LE PRINCE PAUL
(avec désespoir)
Toujours des fins de non recevoir!

(Le général Boum, le baron Puck et le capitaine Fritz sortent de la tente)

Scène Douzième

LA GRANDE-DUCHESSE
Nous allons examiner
Le plan de campagne du général Boum

(au prince Paul)

Je pense, prince, que vous voudrez bien
Nous aider de vos lumières.

LE PRINCE PAUL
(d’un ton boudeur)
Comme il vous plaira!

LA GRANDE-DUCHESSE
Oh! Le vilain, qui est fâché!

LE PRINCE PAUL
(du même ton)
C’est vrai, ça
Vous me faites toujours assister au conseil.

LA GRANDE-DUCHESSE
N’est-ce pas tout naturel?
Et, puisque vous devez être mon mari,
Ne devez-vous pas avoir les privilèges?

LE PRINCE PAUL
C’est vrai
Vous ne me refusez aucun
Des privilèges de la politique
Mais il y en a d’autres.

LA GRANDE-DUCHESSE
Qu’est-ce que c’est?

LE PRINCE PAUL
(à part)
Fatale timidité!

LA GRANDE-DUCHESSE
Asseyez-vous, messieurs.

(Boum s’assied devant la table, et Puck sur le siège de droite. À Fritz)

Vous, capitaine

(Boum lui fait signe de se retirer)

Vous veillerez sur notre personne.

FRITZ
N’ayez pas peur!

BOUM
(regardant Fritz)
Mais je ne sais, alors,
Si je dois développer mes plans.

LA GRANDE-DUCHESSE
Ne vous inquiétez pas de cela,
Général et parlez.

BOUM
Rien de plus simple
Voyez-vous, altesse,
L’art de la guerre peut
Se résumer en deux mots:
Couper et envelopper.

LA GRANDE-DUCHESSE
Comme la galette, alors?

BOUM
Absolument, altesse
Donc, pour arriver à couper
Et à envelopper,
Voici ce que je fais
Je partage mon armée en trois corps.

PUCK
Très bien!

BOUM
Il y en aura un qui ira à droite.

LE PRINCE PAUL
Très bien!

BOUM
Un autre qui ira à gauche.

PUCK
Très bien!

BOUM
Et un autre qui ira au milieu.

LE PRINCE PAUL
Très bien!

BOUM
Mon armée ainsi disposée
Se rendra par trois chemins différents
Vers le point unique
Où j’ai résolu de me concentrer
Où est-il, ce point unique?
Je n’en sais rien
Mais ce que je sais bien,
C’est que je battrai l’ennemi!
Je le battrai!

LA GRANDE-DUCHESSE
Contenez-vous.

PUCK
(à Boum)
Je vous en prie.

BOUM
(avec plus de force)
Je vous dis que je le battrai!

LA GRANDE-DUCHESSE
Je ne vous dis pas le contraire
Mais vous allez vous faire du mal.

BOUM
C’est pour mon pays!

(se levant et tirant son sabre)

L’ennemi! où est l’ennemi?
Qu’on me conduise à l’ennemi!

(Puck le calme et l’oblige à se rasseoir)

FRITZ
(ricanant)
Mais vous irez tout à l’heure
Par vos trois chemins!

PUCK
(à Fritz avec sévérité)
Taisez-vous, monsieur!

FRITZ
(ricanant toujours)
Ses trois chemins!
Elle est trop forte, celle-là!
Ses trois chemins!

BOUM
(furieux)
Qu’est-ce qu’il dit?

FRITZ
C’est bête comme tout,
Vos trois chemins!

LE PRINCE PAUL
Par exemple!

BOUM
Je vous ferai fusiller, moi!

PUCK
Parler ainsi au général!

LA GRANDE-DUCHESSE
Un peu de silence, messieurs!

(à Fritz)

Vous dites donc, monsieur le capitaine
Qu’il n’y a rien de bête
Comme les trois chemins
Du général Boum.

FRITZ
(se rapprochant de la table)
Sans doute, je le dis! et je le prouve!

PUCK
(à la Grande-duchesse)
Je ferai respectueusement
Observer à votre altesse
Que cet homme n’a pas
Le droit de prendre la parole.

BOUM
Non, il n’a pas le droit!

PUCK
Il faut être officier supérieur!

LE PRINCE PAUL
Il faut être noble!

BOUM
Il n’a pas le droit!

PUCK
Il n’a pas le droit.

LA GRANDE-DUCHESSE
Silence, messieurs!
Ou, par ma vertu,
Je ferai tomber la tête
Du premier qui ne se taira pas!
Vous dites donc que,
Pour avoir le droit de parler,
Il faut qu’il soit officier supérieur
Je le fais général

(à Boum)

comme vous
Il faut qu’il soit noble?
Je le fais
baron de Vermout-von-Bock-Bier,
Comte d’Avall-Vintt-Katt-Schopp-Vergismein-Nicht!
Cela suffit-il, messieurs?
A t-il le droit de parler, maintenant?

BOUM
Altesse.

LE PRINCE PAUL
(bas, à Puck)
Ah çà! Mais, dites donc.
Ah çà! Mais, dites donc.

PUCK
(bas)
Silence! nous causerons.

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Fritz)
Asseyez-vous, général
Et dites ce que vous avez à dire.

(Puck s’empresse d’indiquer à Fritz le siège qu’occupait le général)

FRITZ
Au lieu d’aller à l’ennemi
Par trois chemins.

LA GRANDE-DUCHESSE
(regardant son habit)
Voyez-vous, général,
Le collet est un peu trop élevé
Il faudrait six bonnes lignes de moins
Pour dégager le cou
Continuez, mon ami.

(à part)

Dieu! Qu’il est bien!

FRITZ
Je disais donc qu’il faut aller
Tout droit à l’ennemi,
Par un seul chemin.
On le rencontre et puis, dame,
Là, avec les camarades,
On cogne tant qu’on peut cogner
On cogne, et voilà!

LA GRANDE-DUCHESSE
C’est très bien
Et voilà le plan
Que vous devrez suivre,
Général Boum.

BOUM
Je ne le suivrai pas!

LA GRANDE-DUCHESSE
Comment?

BOUM
Je suis responsable envers votre altesse
Du sang de ses soldats
Avec mon plan,
J’étais sûr de mon affaire
Il n’y avait pas de bataille possible
Avec le sien, je ne réponds de rien.

LA GRANDE-DUCHESSE
Ainsi, vous refusez?

BOUM
Je refuse
Que monsieur le baron de...
Comment a dit votre altesse?

FRITZ
Baron de Vermout-von-Bock-Bier,
Et comte d’Avall-Vintt-Katt-
Schopp-Vergismein-Nicht!

(a la Grande-duchesse)

Il a bien entendu,
C’est des manières, tout ça.

BOUM
Que monsieur le baron
Exécute son plan, s’il le veut!

FRITZ
Mais certainement!

LA GRANDE-DUCHESSE
Vraiment?
Et vous gagneriez la bataille?

FRITZ
Où je la perdrais tout comme un autre.

LA GRANDE-DUCHESSE
Baron de Vermout-von-Bock-Bier?

FRITZ
Altesse?

LA GRANDE-DUCHESSE
Que le ciel favorise
Le succès de vos armes!
A partir de ce moment,
Vous êtes le général en chef
De mes armées!

FRITZ
(à Boum)
À moi le panache, monsieur!

BOUM
Mille millions!

(Puck le calme, lui enlève le panache et le met au chapeau de Fritz)

FRITZ
(à Boum)
Hou! Le mauvais soldat!

BOUM
Oh!

PUCK
(bas)
Contenez-vous
Nous sommes trois
Qui avons à nous venger
Et nous nous vengerons.

LA GRANDE-DUCHESSE
(regardant Fritz)
Ah! Qu’il est bien! qu’il est bien!
Général Fritz, je veux à l’instant
Vous faire reconnaître par l’armée
Faites mettre sous les armes
L’armée entière, général Boum.

BOUM
Moi! sous les ordres!

PUCK
(bas, à Boum)
Obéissez.
Son cœur a parlé
Voilà ce que je craignais!

(Boum hurle un commandement militaire, avec des mots précipités et inarticulés. Les soldats rentrent par à droite. Les demoiselles d’honneur sortent de la tente. Les paysannes arrivent du fond. Wanda, qui est entrée par la gauche, se place de ce coté devant les paysannes, un peu en arrière de Fritz. Pendant ce mouvement, le prince Paul est allé rejoindre Boum et Puck à l’extrême droite)

Scène Treizième

CHŒUR DES SOLDATS
Nous allons partir pour la guerre,
Tambour battant!
Encore un regard en arrière,
Puis en avant!
Nous allons partir pour la guerre,
Tambour battant!

LA GRANDE-DUCHESSE
(aux soldats)
Écoutez tous la voix de votre souveraine

(montrant Fritz)

Voici le nouveau général!

CHŒUR
Lui, notre général!

LA GRANDE-DUCHESSE
Oui, soldats, et je suis certaine
Qu’il ne s’en tirera pas mal.

LE PRINCE PAUL, BOUM, PUCK
(à part)
Unissons nous pour la vengeance
Soyons adroits!
Il est seul et nous, quelle chance!
Nous sommes trois!

WANDA
(à Fritz, en descendant près de lui)
Toi, général en chef!

FRITZ
Eh! Mon dieu, tu vois bien!

WANDA
Ah! Tu vas m’oublier.

FRITZ
Mignonne, ne crains rien.

WANDA
Tu m’aimeras toujours?

FRITZ
Toujours! n’en doute pas.

WANDA
Dis encore une fois!

FRITZ
Autant que tu voudras!

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Fritz et Wanda, avec impatience)
Quand vous aurez
Fini de vous parler, là-bas,
Vous vous rappellerez
Que j’attends, n’est-ce pas?

CHŒUR
Elle jette sur eux
Des regards furieux!

LA GRANDE-DUCHESSE
(à part, se contenant)
Mais je suis reine,
Et mon devoir, pour garder mon prestige,
M’oblige à ne rien laisser voir.

(haut, à Népomuc)

Allez, monsieur,
Et me donnez a l’instant
Ce que vous savez.

(Népomuc sort par la droite. La Grande-duchesse fait signe à Fritz de venir près d’elle)

TOUS
Qu’est-ce que ça peut être?

(Népomuc entre, apportant un sabre qu’il porte haut et avec respect)

TOUS
Un sabre!

LA GRANDE-DUCHESSE
(à Fritz, montrant le sabre)
Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à ton côté!
Ton bras est fort, ton âme est fière,
Ce glaive sera bien porté!
Quand papa s’en allait en guerre,
Du moins on me l’a raconté,
Des mains de mon auguste mère
Il prenait ce fer redouté
Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à son côté!

CHŒUR
Voici le sabre de son père!
Il va le mettre à ton côté!

LA GRANDE-DUCHESSE
(prenant le sabre)
Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à ton côté!
Après la victoire,
J’espère, te revoir en bonne santé;
Car, si tu mourais à la guerre,
J’aurais trop peur, en vérité,
De n’avoir plus jamais sur terre
Un moment de félicité!

(se remettant et avec noblesse)

Voici le sabre de mon père!
Tu vas le mettre à son côté!

(Elle donne le sabre à Fritz)

CHŒUR
Voici le sabre de son père!
Il va le mettre à ton côté!

FRITZ
Vous pouvez sans terreur
Confier à mon bras
Le sabre vénéré
De monsieur votre père
Je reviendrai vainqueur,
ou ne reviendrai pas!

LA GRANDE-DUCHESSE
Tu reviendras vainqueur!

BOUM, PUCK, LE PRINCE PAUL
(à part)
Il ne reviendra pas!

CHŒUR
Il reviendra vainqueur!

BOUM, PUCK ET LE PRINCE PAUL
(à part)
Il ne reviendra pas!

CHŒUR
(avec énergie)
Reviendra!

BOUM, PUCK, LE PRINCE PAUL
(avec encore plus d’énergie)
Reviendra pas!

(Fritz donne le sabre à Wanda, qui le contemple avec admiration)

FRITZ
Je serai vainqueur,
Grâce à ma valeur!
Mon artillerie,
Ma cavalerie,
Mon infanterie,
Tout cela sera,
Je le vois déjà,
Sera triomphant!
Et, tambour battant,
Le long des chemins,
Au fond des ravins,
On se répandra,
On envahira,
L’ennemi fuira;
On le traquera,
Le dispersera
Et l’enfoncera!
Gaîment nous irons,
Nous élancerons;
Nous brûlerons tout,
Pillerons partout.
Ce sera parfait!
Du choix qu’elle a fait
Ce sera l’effet!
Ce sera parfait!
Pour nous quand viendra,
Après tout cela,
Le temps du repos,
On nous recevra comme des héros!

BOUM, PUCK, LE PRINCE PAUL
Il sera vaincu,
Il sera battu!
Son artillerie,
Sa cavalerie,
Son infanterie,
Tout cela sera,
Je le vois déjà,
Ecrasé, brossé,
Brisé, dispersé
Et dans les chemins,
Et dans les ravins,
Il en laissera,
Il en oubliera;
On le poursuivra,
On le traquera,
Et les ennemis
De notre pays
Gaîment entreront
Et se répandront;
Ils brûleront tout,
Pilleront partout
Ce sera bien fait!
Du choix qu’elle a fait
Ce sera l’effet!
Ce sera bien fait!
Et nous, réjouis,
Voyant ce gâchis,
Nous, n’en pouvant plus,
Nous rirons tous trois comme des bossus.

LES AUTRES
Il sera vainqueur,
Grâce à sa valeur!
Son artillerie,
Sa cavalerie,
Son infanterie,
Tout cela sera,
Je le vois déjà,
Sera triomphant! etc.
Gaîment nous irons / ils iront,
Nous élancerons / ils s’élanceront;
Nous brûlerons tout / ils brûleront tout,
Pillerons partout / pilleront partout
Ce sera parfait!
Du choix qu’elle a fait j’ai fait
Ce sera l’effet!
Ce sera parfait!
Pour nous / eux quand viendra,
Après tout cela,
Le temps du repos,
On nous/on les recevra
Comme des héros!

(Pendant le chœur suivant, l’armée se met en marche vient défiler devant la Grande-duchesse. Fritz est en tête)

CHŒUR GENERAL
Partons/partez, musique en tête!
Musique en tête, en avant!
Partons pour nous/
Partez pour vous,
C’est une fête!
Partons/partez, en chantant!
En avant!

LA GRANDE-DUCHESSE
Vous oubliez le sabre de mon père!

CHŒUR
Vous oubliez le sabre de son père!

(Fritz accourt reprendre le sabre et, le brandissant, se remet en tête de son armée. Le défilé continue sur la reprise du chœur)


最終更新:2013年06月16日 05:09