ACTE IV
(Des rochers fort hauts et fort escarpés, couverts de sapins et d'autres solitaires, font la décoration de cet acte. Au fond du théâtre paraît un rocher de la même hauteur et garny des mêmes arbres. Il est percé par trois grottes au travers desquelles on découvre un paysage à perte de vue. )

Scène 1
Amisodar
Quel spectacle charmant pour mon coeur amoureux!
Ces morts de tous côtés étendus dans les plaines,
Me sont de sûrs garants de la fin de mes peines;
Tout périt pour me rendre heureux.
Fontaines tarissez; Embrasez-vous montagnes,
Brûlez forêts, séchez campagnes!
Toutes les horreurs que je voy
Sont autant de sujets de triomphe pour moy.
Quand on obtient ce qu'on aime,
Qu'importe à quel prix!
Que tout l'univers surpris condamne l'amour extrême
Que coûte tant de sang de larmes et de cris

Scène 2
Argie, Amisodar

Argie
Il faut pour contenter la Reine
Rendre le monstre à l'éternelle nuit;
Bellérophon au désespoir réduit,
S'apprête à combattre et sa perte est certaine;
Mais cette prompte mort finit trop tôt sa peine
Quand un fatal oracle est contraire à ses voeux,
S'il ne souffre longtemps il n'est point malheureux,
Puisqu'un fils de Neptune épouse la Princesse;
Laissez vivre l'ingrat dans ses jaloux transports,
Voir aux mains d'un rival l'objet de sa tendresse
C'est tous les jours endurer mille morts.

Amisodar
Le laisser vivre, ha! Dieux! que faut-il que je pense!
Je voy pour luy la Reine s'alarmer
Lorsque sa mort est prête à remplir sa vengeance,
Est-ce la hair ou l'aimer;

Argie
Montrez que votre coeur ne cherche qu'à luy plaire
Pourquoy pénétrer dans le sien!
Quand l'objet aimé parle, un amant doit tout faire
Et n'examiner rien

Amisodar
Non, non, que mon rival périsse!
Est-ce à moy d'empêcher qu'il ne perde le jour?

Argie
Il faut faire à la Reyne encor ce sacrifice,
Ou renoncer à son amour.

Choeur, derrière le théâtre.
Tout est perdu, le monstre avance
Sauvons-nous, sauvons-nous, sauvons-nous!

Amisodar
La monstre approche, éloignez vous.

Argie
Ciel! Ciel! contre sa fureur embrasse ma défense!

Scène 3
Une napée et une Dryade
Plaignons plaignons les maux qui désolent ces lieux.
Les pleurs qu'ils font couler devraient toucher les Dieux.
Il n'est plus d'herbe dans les plaines,
Il n'est plus d'eau dans les fontaines,
Tout périt.
Tout tarit.
Quel excès d'ennuis!
Quelles peines!
Plaignons plaignons les maux qui désolent ces lieux.
Les pleurs qu'ils font couler devraient toucher les Dieux.

Scène 4
Une napée, une dryade, Dieux des bois

Dieux des bois
Les forêts sont en feu, le ravage s'augmente,
Ce n'est partout qu'épouvante et qu'horreur!

Napée et Dryade
Du monstre comme vous nous sentons la fureur;
Voyez cette plaine brûlante!

Dieux des bois
Hélas! hélas! que sont-ils devenus
Ces bois dont nous faisons nos retraites tranquilles!

Napée et Dryade
Ces eaux qui sortaient dans nos plaines fertiles
Ces eaux hélas! ce coulent plus!

Dieux des bois
Que de tristes alarmes!
Que de sujets de larmes!

Tous
Pour adoucir le Ciel, qui voit tant de malheurs,
Joignons nos soupirs et nos pleurs.

Scène 5
Bellérophon, Le Roy

Le Roy
Ah! Prince, où vous emporte une ardeur trop guerrière!
En vain à cent périls on vous a vu courir;
En vain votre grand nom remplit la terre entière,
Vous cherchez un combat où vous allez périr.

Bellérophon
Je ne vais point combattre un monstre redoutable
Pour remplir de mon nom l'univers étonné;
Je vais, amant infortuné,
Finir un sort trop déplorable.
Cent fois, jusqu'à ce triste jour,
J'ay hazardé ma vie en cherchant la victoire;
Ce que j'ay fait, animé par la gloire,
Ne le pourray-je faire animé par l'Amour.

Le Roy
Suivre un amour trop téméraire
C'est vous livrer vous-même au plus funeste sort.

Bellérophon
Accablé de malheurs, puis-je craindre la mort!

Le Roy
Ménagez votre vie, elle m'est toujours chère;
Par ces aimables noeuds
Que je vous destinais avec mon diadème,
Par la princesse même
Accordez quelque chose à mes voeux.
Je vais faire à Neptune offrir un sacrifice;
Allons, allons savoir ses volontés,
Peut-être il nous sera propice.

Bellérophon
En vain, Seigneur, vous me flattez
Puisqu'à son fils vous devez la Princesse,
Au moins en combattant laissez-moy faire voir
Que mon amour méritait sa tendresse.

Le Roy
Ah! que je crains pour vous ce fatal désespoir!
Adieu, quand le péril ne vous peut émouvoir
Je dois vous cacher ma faiblesse.

Scène 6
(On commence à voir icy tout le paysage de l'enfoncement du théâtre remply de feu et de fumée pour marquer le dégast que fait la chimère dans le pays).

Bellérophon, seul
Heureuse mort, tu vas me secourir,
Dans mon malheur extrême
Je cours m'offrir au monstre, assuré de périr;
Mais je m'en fais un bien suprême;
Quand on a perdu ce qu'on aime
Il ne reste plus qu'à mourir.

Scène 7
Pallas, Bellérophon, Choeur de peuple derrière le théâtre.
(On voit icy Pallas dans un char de nuages, du côté droit, et en même temps paraît un autre char vide qui descend jusques sur le théâtre, du côté gauche.)

Pallas
Espère en ta valeur, Bellérophon, espère;
Pallas descend du Ciel pour t'offrir son secours.

Bellérophon
Déesse, en vain tu prends soin de mes jours,
Quand la mort seule peut me plaire.

Pallas
Ton sort est marqué dans les cieux;
Viens, monte dans ce char et t'abandonne aux Dieux.

(Bellérophon monte dans le char et est enlevé sur le cintre, avec Pallas. Cependant, on entend le peuple qui exprime sa désolation par les vers suivants.)
(Pendant qu'on entend les cris des peuples épouvantés, la Chimère paraît au fond du théâtre et en même temps Bellérophon, monté sur Pégase, fond du haut de l'air; après un premier combat avec la Chimère, il se sauve dans les airs et traverse tout le théâtre.)

Choeur de peuple
Quelle horreur! quel affreux carnage!
Le monstre redouble sa rage!
Un héros s'expose pour nous;
Dieux! soutenez son bras et conduisez ses coups!

(Bellérophon fond une seconde fois sur la Chimère, au milieu du théâtre et après qu'il a disparu un moment en s'élevant sur le cintre, il paraît pour la troisième fois et attaque de nouveau la Chimère, la blesse à mort et se sauve en l'air, faisant son vol en rond et
après trois tours, on le voit se perdre dans les nues. Cependant la Chimère tombe morte entre les rochers, ce qui donne lieu à la joye que marque le peuple.)

Choeur de peuple
Le monstre est défait, quelle gloire!
Bellérophon remporte la victoire.
ACTE IV
(Des rochers fort hauts et fort escarpés, couverts de sapins et d'autres solitaires, font la décoration de cet acte. Au fond du théâtre paraît un rocher de la même hauteur et garny des mêmes arbres. Il est percé par trois grottes au travers desquelles on découvre un paysage à perte de vue. )

Scène 1
Amisodar
Quel spectacle charmant pour mon coeur amoureux!
Ces morts de tous côtés étendus dans les plaines,
Me sont de sûrs garants de la fin de mes peines;
Tout périt pour me rendre heureux.
Fontaines tarissez; Embrasez-vous montagnes,
Brûlez forêts, séchez campagnes!
Toutes les horreurs que je voy
Sont autant de sujets de triomphe pour moy.
Quand on obtient ce qu'on aime,
Qu'importe à quel prix!
Que tout l'univers surpris condamne l'amour extrême
Que coûte tant de sang de larmes et de cris

Scène 2
Argie, Amisodar

Argie
Il faut pour contenter la Reine
Rendre le monstre à l'éternelle nuit;
Bellérophon au désespoir réduit,
S'apprête à combattre et sa perte est certaine;
Mais cette prompte mort finit trop tôt sa peine
Quand un fatal oracle est contraire à ses voeux,
S'il ne souffre longtemps il n'est point malheureux,
Puisqu'un fils de Neptune épouse la Princesse;
Laissez vivre l'ingrat dans ses jaloux transports,
Voir aux mains d'un rival l'objet de sa tendresse
C'est tous les jours endurer mille morts.

Amisodar
Le laisser vivre, ha! Dieux! que faut-il que je pense!
Je voy pour luy la Reine s'alarmer
Lorsque sa mort est prête à remplir sa vengeance,
Est-ce la hair ou l'aimer;

Argie
Montrez que votre coeur ne cherche qu'à luy plaire
Pourquoy pénétrer dans le sien!
Quand l'objet aimé parle, un amant doit tout faire
Et n'examiner rien

Amisodar
Non, non, que mon rival périsse!
Est-ce à moy d'empêcher qu'il ne perde le jour?

Argie
Il faut faire à la Reyne encor ce sacrifice,
Ou renoncer à son amour.

Choeur, derrière le théâtre.
Tout est perdu, le monstre avance
Sauvons-nous, sauvons-nous, sauvons-nous!

Amisodar
La monstre approche, éloignez vous.

Argie
Ciel! Ciel! contre sa fureur embrasse ma défense!

Scène 3
Une napée et une Dryade
Plaignons plaignons les maux qui désolent ces lieux.
Les pleurs qu'ils font couler devraient toucher les Dieux.
Il n'est plus d'herbe dans les plaines,
Il n'est plus d'eau dans les fontaines,
Tout périt.
Tout tarit.
Quel excès d'ennuis!
Quelles peines!
Plaignons plaignons les maux qui désolent ces lieux.
Les pleurs qu'ils font couler devraient toucher les Dieux.

Scène 4
Une napée, une dryade, Dieux des bois

Dieux des bois
Les forêts sont en feu, le ravage s'augmente,
Ce n'est partout qu'épouvante et qu'horreur!

Napée et Dryade
Du monstre comme vous nous sentons la fureur;
Voyez cette plaine brûlante!

Dieux des bois
Hélas! hélas! que sont-ils devenus
Ces bois dont nous faisons nos retraites tranquilles!

Napée et Dryade
Ces eaux qui sortaient dans nos plaines fertiles
Ces eaux hélas! ce coulent plus!

Dieux des bois
Que de tristes alarmes!
Que de sujets de larmes!

Tous
Pour adoucir le Ciel, qui voit tant de malheurs,
Joignons nos soupirs et nos pleurs.

Scène 5
Bellérophon, Le Roy

Le Roy
Ah! Prince, où vous emporte une ardeur trop guerrière!
En vain à cent périls on vous a vu courir;
En vain votre grand nom remplit la terre entière,
Vous cherchez un combat où vous allez périr.

Bellérophon
Je ne vais point combattre un monstre redoutable
Pour remplir de mon nom l'univers étonné;
Je vais, amant infortuné,
Finir un sort trop déplorable.
Cent fois, jusqu'à ce triste jour,
J'ay hazardé ma vie en cherchant la victoire;
Ce que j'ay fait, animé par la gloire,
Ne le pourray-je faire animé par l'Amour.

Le Roy
Suivre un amour trop téméraire
C'est vous livrer vous-même au plus funeste sort.

Bellérophon
Accablé de malheurs, puis-je craindre la mort!

Le Roy
Ménagez votre vie, elle m'est toujours chère;
Par ces aimables noeuds
Que je vous destinais avec mon diadème,
Par la princesse même
Accordez quelque chose à mes voeux.
Je vais faire à Neptune offrir un sacrifice;
Allons, allons savoir ses volontés,
Peut-être il nous sera propice.

Bellérophon
En vain, Seigneur, vous me flattez
Puisqu'à son fils vous devez la Princesse,
Au moins en combattant laissez-moy faire voir
Que mon amour méritait sa tendresse.

Le Roy
Ah! que je crains pour vous ce fatal désespoir!
Adieu, quand le péril ne vous peut émouvoir
Je dois vous cacher ma faiblesse.

Scène 6
(On commence à voir icy tout le paysage de l'enfoncement du théâtre remply de feu et de fumée pour marquer le dégast que fait la chimère dans le pays).

Bellérophon, seul
Heureuse mort, tu vas me secourir,
Dans mon malheur extrême
Je cours m'offrir au monstre, assuré de périr;
Mais je m'en fais un bien suprême;
Quand on a perdu ce qu'on aime
Il ne reste plus qu'à mourir.

Scène 7
Pallas, Bellérophon, Choeur de peuple derrière le théâtre.
(On voit icy Pallas dans un char de nuages, du côté droit, et en même temps paraît un autre char vide qui descend jusques sur le théâtre, du côté gauche.)

Pallas
Espère en ta valeur, Bellérophon, espère;
Pallas descend du Ciel pour t'offrir son secours.

Bellérophon
Déesse, en vain tu prends soin de mes jours,
Quand la mort seule peut me plaire.

Pallas
Ton sort est marqué dans les cieux;
Viens, monte dans ce char et t'abandonne aux Dieux.

(Bellérophon monte dans le char et est enlevé sur le cintre, avec Pallas. Cependant, on entend le peuple qui exprime sa désolation par les vers suivants.)
(Pendant qu'on entend les cris des peuples épouvantés, la Chimère paraît au fond du théâtre et en même temps Bellérophon, monté sur Pégase, fond du haut de l'air; après un premier combat avec la Chimère, il se sauve dans les airs et traverse tout le théâtre.)

Choeur de peuple
Quelle horreur! quel affreux carnage!
Le monstre redouble sa rage!
Un héros s'expose pour nous;
Dieux! soutenez son bras et conduisez ses coups!

(Bellérophon fond une seconde fois sur la Chimère, au milieu du théâtre et après qu'il a disparu un moment en s'élevant sur le cintre, il paraît pour la troisième fois et attaque de nouveau la Chimère, la blesse à mort et se sauve en l'air, faisant son vol en rond et
après trois tours, on le voit se perdre dans les nues. Cependant la Chimère tombe morte entre les rochers, ce qui donne lieu à la joye que marque le peuple.)

Choeur de peuple
Le monstre est défait, quelle gloire!
Bellérophon remporte la victoire.


最終更新:2014年06月05日 10:51