MANON
(pensive, à elle-même)
Dans mon coeur... quel tourment...

DES GRIEUX
(à lui-même)
Puisse du bonheur où j'aspire
Le jour se lever souriant!
(Entre la servante avec une lumière)
Que nous veut-on?

LA SERVANTE
C'est l'heure du souper, Monsieur.

DES GRIEUX
C'est vrai pourtant. Et je n'ai pas encore porté ma lettre!

(La Servante dispose le couvert pour le souper)

MANON
Eh bien, va la porter!

DES GRIEUX
(indécis)
Manon!

MANON
Après?

DES GRIEUX
(tendre et lent)
Je t'aime, je t'adore!
Et toi, dis, m'aimes-tu?

MANON
Oui, mon cher chevalier, je t'aime...

DES GRIEUX
(avec un ton de reproche)
Tu devrais, en ce cas, me promettre...

MANON
Quoi?

DES GRIEUX
(changeant de ton)
Rien du tout! Je vais porter ma lettre!
(Il sort.)

MANON
(reste seule, très troublée)
Allons!... il le faut!
Pour lui-même!
Mon pauvre chevalier! Oh! Oui, c'est lui que j'aime!
Et pourtant, j'hésite aujourd'hui!
Non! non! je ne suis plus digne de lui!
J'entends cette voix qui m'entraîne
Contre ma volonté:
"Manon, tu seras reine,
Reine par la beauté!"
(avec reproche)
Je ne suis que faiblesse et que fragilité!
Ah! malgré moi je sens couler mes larmes.
Devant ces rêves effacés!
L'avenir aura-t-il les charmes
De ces beaux jours déjà passés?
(Manon s'est approchée peu à peu de la table
toute servie avec émotion et simplicité)
Adieu, notre petite table
Qui, nous réunit si souvent!
Adieu, notre petite table,
Si grande pour nous cependant!
(avec un triste sourire)
On tient, c'est inimaginable,
Si peu de place... en se serrant...
Adieu, notre petite table!..
Un même verre était le nôtre,
Chacun de nous, quand il buvait,
Y cherchait les lèvres de l'autre...
Ah! Pauvre ami, comme il m'aimait!
Adieu... notre petite table.
(avec un sanglot)
Adieu!
(Entendant Des Grieux, à part et vivement)
C'est lui! Que ma pâleur ne me trahisse pas!

DES GRIEUX
(avec élan)
Enfin, Manon, nous voilà seuls ensemble!
(Il s'approche d'elle.)
Eh quoi?... des larmes?

MANON
Non!

DES GRIEUX
Si fait, ta main tremble...

MANON
(s'efforçant de sourire)
Voici notre repas.

DES GRIEUX
C'est vrai, ma tête est folle!
Mais le bonheur est passager,
Et le ciel l'a fait si léger
Qu'on a toujours peur qu'il s'envole!
A table!

MANON
A table!

DES GRIEUX
Instant charmant
Où la crainte fait trêve,
Où nous sommes deux seulement!
(simplement)
Tiens, Manon, en marchant, je viens de faire un rêve.

MANON
(avec amertume, à part)
Hélas! qui ne fait pas de rêve?

DES GRIEUX
(à Manon avec intimité)
En fermant les yeux, je vois
Là-bas... une humble retraite,
Une maisonnette
Toute blanche au fond des bois!
Sous ses tranquilles ombrages
Les clairs et joyeux ruisseaux,
Où se mirent les feuillages,
Chantent avec les oiseaux!
C'est le paradis!... Oh non!
Tout est là triste et morose,
Car il y manque une chose,
Il y faut encore Manon!

MANON
(doucement)
C'est un rêve, une folie!

DES GRIEUX
Non! Là sera notre vie!
Si tu le veux, ô Manon,

(On entend frapper à la porte.)

MANON
(à part)
Oh ciel! déjà!

DES GRIEUX
Quelqu'un?
(gaîment)
Il ne faut pas de trouble fête...
(se levant)
Je vais renvoyer l'importun.
(souriant)
Et je reviens.

MANON
(troublée)
Adieu!

DES GRIEUX
(étonné)
Comment!

MANON
(avec embrassas et émotions contenue)
Non! Je ne veux pas!

DES GRIEUX
(insistant)
Pourquoi?

MANON
(de même)
Ah!
Tu n'ouvriras pas cette porte!
Je veux rester dans tes bras!

DES GRIEUX
(se dégageant doucement)
Enfant!... laisse-moi...

MANON
Non!

DES GRIEUX
Que t'importe!

MANON
Non!

DES GRIEUX
Allons!

MANON
Je ne veux pas!

DES GRIEUX
Quelque inconnu! C'est singulier!
Je le congédierai d'un façon polie,
Je reviens, nous rirons tous deux de ta folie!

(On entend un bruit de lutte.
Manon se lève et court vers la fenêtre;
roulement de voiture.)

MANON
Mon pauvre chevalier!

(Manon paraît en proie à la plus vive douleur.)
MANON
(pensive, à elle-même)
Dans mon coeur... quel tourment...

DES GRIEUX
(à lui-même)
Puisse du bonheur où j'aspire
Le jour se lever souriant!
(Entre la servante avec une lumière)
Que nous veut-on?

LA SERVANTE
C'est l'heure du souper, Monsieur.

DES GRIEUX
C'est vrai pourtant. Et je n'ai pas encore porté ma lettre!

(La Servante dispose le couvert pour le souper)

MANON
Eh bien, va la porter!

DES GRIEUX
(indécis)
Manon!

MANON
Après?

DES GRIEUX
(tendre et lent)
Je t'aime, je t'adore!
Et toi, dis, m'aimes-tu?

MANON
Oui, mon cher chevalier, je t'aime...

DES GRIEUX
(avec un ton de reproche)
Tu devrais, en ce cas, me promettre...

MANON
Quoi?

DES GRIEUX
(changeant de ton)
Rien du tout! Je vais porter ma lettre!
(Il sort.)

MANON
(reste seule, très troublée)
Allons!... il le faut!
Pour lui-même!
Mon pauvre chevalier! Oh! Oui, c'est lui que j'aime!
Et pourtant, j'hésite aujourd'hui!
Non! non! je ne suis plus digne de lui!
J'entends cette voix qui m'entraîne
Contre ma volonté:
"Manon, tu seras reine,
Reine par la beauté!"
(avec reproche)
Je ne suis que faiblesse et que fragilité!
Ah! malgré moi je sens couler mes larmes.
Devant ces rêves effacés!
L'avenir aura-t-il les charmes
De ces beaux jours déjà passés?
(Manon s'est approchée peu à peu de la table
toute servie avec émotion et simplicité)
Adieu, notre petite table
Qui, nous réunit si souvent!
Adieu, notre petite table,
Si grande pour nous cependant!
(avec un triste sourire)
On tient, c'est inimaginable,
Si peu de place... en se serrant...
Adieu, notre petite table!..
Un même verre était le nôtre,
Chacun de nous, quand il buvait,
Y cherchait les lèvres de l'autre...
Ah! Pauvre ami, comme il m'aimait!
Adieu... notre petite table.
(avec un sanglot)
Adieu!
(Entendant Des Grieux, à part et vivement)
C'est lui! Que ma pâleur ne me trahisse pas!

DES GRIEUX
(avec élan)
Enfin, Manon, nous voilà seuls ensemble!
(Il s'approche d'elle.)
Eh quoi?... des larmes?

MANON
Non!

DES GRIEUX
Si fait, ta main tremble...

MANON
(s'efforçant de sourire)
Voici notre repas.

DES GRIEUX
C'est vrai, ma tête est folle!
Mais le bonheur est passager,
Et le ciel l'a fait si léger
Qu'on a toujours peur qu'il s'envole!
A table!

MANON
A table!

DES GRIEUX
Instant charmant
Où la crainte fait trêve,
Où nous sommes deux seulement!
(simplement)
Tiens, Manon, en marchant, je viens de faire un rêve.

MANON
(avec amertume, à part)
Hélas! qui ne fait pas de rêve?

DES GRIEUX
(à Manon avec intimité)
En fermant les yeux, je vois
Là-bas... une humble retraite,
Une maisonnette
Toute blanche au fond des bois!
Sous ses tranquilles ombrages
Les clairs et joyeux ruisseaux,
Où se mirent les feuillages,
Chantent avec les oiseaux!
C'est le paradis!... Oh non!
Tout est là triste et morose,
Car il y manque une chose,
Il y faut encore Manon!

MANON
(doucement)
C'est un rêve, une folie!

DES GRIEUX
Non! Là sera notre vie!
Si tu le veux, ô Manon,

(On entend frapper à la porte.)

MANON
(à part)
Oh ciel! déjà!

DES GRIEUX
Quelqu'un?
(gaîment)
Il ne faut pas de trouble fête...
(se levant)
Je vais renvoyer l'importun.
(souriant)
Et je reviens.

MANON
(troublée)
Adieu!

DES GRIEUX
(étonné)
Comment!

MANON
(avec embrassas et émotions contenue)
Non! Je ne veux pas!

DES GRIEUX
(insistant)
Pourquoi?

MANON
(de même)
Ah!
Tu n'ouvriras pas cette porte!
Je veux rester dans tes bras!

DES GRIEUX
(se dégageant doucement)
Enfant!... laisse-moi...

MANON
Non!

DES GRIEUX
Que t'importe!

MANON
Non!

DES GRIEUX
Allons!

MANON
Je ne veux pas!

DES GRIEUX
Quelque inconnu! C'est singulier!
Je le congédierai d'un façon polie,
Je reviens, nous rirons tous deux de ta folie!

(On entend un bruit de lutte.
Manon se lève et court vers la fenêtre;
roulement de voiture.)

MANON
Mon pauvre chevalier!

(Manon paraît en proie à la plus vive douleur.)


最終更新:2010年06月04日 19:40