ACTE 2
No. 7. Chœur et scène du marché
(Place publique d'une ville Hindoue. De nombreuses boutiques, des bazars, des étalages d'étoffes. Au fond, une pagode. C'est l'heure du marché.)
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Allons, avant que midi sonne,
Venez, on ne vend plus, on donne,
Jamais nous ne trompons personne.
Venez, le marché va finir.
Venez car nous allons partir.
Allons, avant que midi sonne,
Venez, on ne vend plus, on donne,
Venez, le marché va finir, nous allons bientôt partir.
Venez, le marché va finir,
Le marché va finir!
HINDOUS
Admirez cette babouche!
CHINOISE
Gâteaux exquis à la bouche!
HINDOUS
Et ce mouchoirs merveilleux!
CHINOIS
Et ravissants pour les yeux!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Voyez ces fraîches bananes
Et ces feuilles de bétel.
Belles nattés de lianes!
Goûtez ces rayons de miel!
Admirez cette babouche!
Gâteaux exquis à la bouche!
Charmant les eux!
6 MATELOTS
(frappant sur une table)
Servirez-vous les profanes,
Fils de Brahma, Roi du ciel!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Regardez-moi,
Ecoutez-moi!
Répondez-moi,
Achetez-moi!
6 MATELOTS
Servirez-vous les profanes,
Fils de Brahma, Roi du ciel!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Accordez-moi la préférence!
Profitez de notre présence.
6 MATELOTS
Allons! servez! O fils de Brahma!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Regardez-moi,
Ecoutez-moi!
Achetez-moi!
Ah!
Allons, avant que midi sonne.
6 MATELOTS
Quand midi sonne,
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, on ne vend plus, on donne,
6 MATELOTS
Il faut partir.
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Jamais nous ne trompons personne.
6 MATELOTS
Comment personne
Ici ne vient nous servir!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, le marché va finir.
Venez car nous allons partir.
Allons, avant que midi sonne.
6 MATELOTS
Comment personne
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, on ne vend plus, on donne,
6 MATELOTS
Pour nous servir!
Faut-il qu'on vous bâtonne!
Allons! allons! hâtez-vous de venir!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, le marché va finir,
Nous allons bientôt partir.
Venez, le marché va finir, le marché va finir!
MISS BENSON
(égarée dans la foule)
Ces égoïstes,
Peu formalistes,
Causent de leurs amours
Et me perdent toujours!
DOMBEN
(presque parlé)
Madame, la bonne aventure!
MISS BENSON
Laissez-moi je vous conjure.
CHINOIS
Voyez ces bijoux dorés.
MISS BENSON
Monsieur, vous m'exaspérez!
KOURVAR
Laissez madame, on la désole.
MISS BENSON
Ah! merci!
(presque parlé)
Mais il me vole!
DOMBEN
Je vais lire dans votre main
Quel bonheur vous attend demain.
MISS BENSON
Mais monsieur! laissez-moi tranquille!
CHINOIS
Cet élixir rend la santé.
Et donne aux femmes la beauté
MISS BENSON
Merci, monsieur, c'est inutile!
KOURAVAR
(lui volant son mouchoir)
Chacun son lot!
CHINOIS
Encore un mot! Encore un mot!
Encore un mot, encore un mot!
DOMBEN
A moi plutôt!
A moi plutôt! A moi, plutôt!
KOURAVAR
Chacun son lot! Chacun son lot, son lot!
MARCHANDS HINDOUS ET CHINOIS
A moi plutôt!
MISS BENSON
(furibonde)
Assez!
(parlé)
Je suis la gouvernante
De la fille du Gouverneur!
FREDERIC
(accourant)
C'est Mistress Benson en fureur!
ROSE
(accourant)
C'est Mistress Benson, qu'avez-vous?
FREDERIC
Qu'avez-vous?
MISS BENSON
On m'a violenté!
Ensemble
MERCHANDS HINDOUS ET CHINOIS
Venez avant que midi sonne,
Ici l'on ne vend plus, on donne
Nous allons bientôt partir,
Venez, le marché va finir,
Vite, avant que midi sonne,
Ici l'on ne vend plus, on donne,
Nous allons bientôt partir
Venez, le marché va finir,
Venez, le marché va finir!
FREDERIC
Faut-il s'effrayer de la sorte
Pour quelques honnêtes marchands
Trop pressants!
ROSE
Faut-il s'effrayer de la sorte
Pour quelques honnêtes marchands
Trop pressants!
MISS BENSON
Voilà qu'ils font les innocents!
Et c'est ma montre qu'on emporte!
(on entend la cloche du marché)
Ciel! quel est ce nouveau tapage!
Trop tard! Trop tard!
FREDERIC
C'est le signal du départ.
La marché déménage.
C'est le départ!
ROSE
Le marché déménage!
C'est le départ!
6 MATELOTS & LES MARCHANDS HINDOU ET CHINOIS
C'est le signal du départ!
Ensemble
LES MARCHANDS HINDOU ET CHINOIS
Voilà déjà que midi sonne,
Venez, on ne vend plus, on donne.
Jamais nous ne trompons personne.
Venez, le marché va finir, et maintenant il faut partir.
Ecoutez-moi,
Achetez-moi,
Accordez-moi la préférence,
C'est pour finir!
Il faut partir!
Voilà déjà midi qui sonne,
La marché doit finir!
6 MATELOTS
Voilà midi qui sonne,
Partez, on l'ordonne!
Faut-il qu'on vous bâtonne!
Allons, il faut partir,
Délivre-nous de ta présence,
Ô sotte engeance!
Car c'est la loi!
Pour obéir
Il faut partir
Quand midi sonne,
Le marché doit finir!
MISS BENSON
Ils sont assourdissants!
Je demande du calme, un peu de calme!
FREDERIC
Il faudra y renoncer pour aujourd'hui
Mistress Benston.
No. 7bis. Récitatif
ROSE
Moi, j'adore ce tapage!
MISS BENSON
Cependant, le marché est fini.
FREDERIC
Mais la fête commence!
MISS BENSON
Et que vont-ils faire encore?
FREDERIC
Ils vont danser sur toutes les places,
et changer à tous les coins de rue.
La foule se plaît à aller de l'un à l'autre—tantôt ici,
tantôt là, C'est très amusant!
MISS BENSON
Mais nous avons perdu Miss Ellen!
FREDERIC
Elle est sous la garde de son fiancé.
ROSE
Oh! elle ne court aucun danger.
Ah! Voici les danseuses!
MISS BENSON
Quelles danseuses?
FREDERIC
N'avez-vous jamais entendu parler
des bayadères de l'Inde?
MISS BENSON
Que font-elles ordinairement?
FREDERIC
Elles vivent dans les pagodes
pour le plus grande joie des prêtres de Brahma.
MISS BENSON
Ce sont des vestales!
FREDERIC
Si vous voulez. Ce sont des vestales qui n'ont rien à garder!
MISS BENSON
Oh! Shocking!
No. 8. Airs de danses
Introduction
Terána
Rektah
Persian
Coda, avec chœurs
LA FOULE
Ah!
Pour nos yeux charmés
Dansez encor, filles des cieux.
Ah!
De notre danse doublez l'essor,
Ah! tournez encor,
Plus vite encor, plus vite encor
Par la danse entraînante,
Par la danse enivrante,
Charmez nos yeux,
Filles des cieux!
Sortie
(Les Bayadères sortent suives de la foule. Nilakantha, revêtu du costume de Sanniassy, ou pénitent hindou, passe au fond, accompagné de sa fille.)
No. 8bis. Récitatif
ROSE
Voyez donc ce vieillard et cette jeune fille.
FREDERIC
C'est un Sanniassy.
ROSE
Comme son regard brille!
FREDERIC
Il va dans la ville quêtant de modestes offrandes
et sa fille dira ces pieuses légendes
que les Indiens aiment tant.
MISS BENSON
Ah! Miss Ellen, Enfin!
FREDERIC
Toute joyeuse au bras de son fiancé.
(Ellen entrée au bras de Gérald)
ELLEN
Oui! Je suis radieuse!
Dans mon cœur un rayon de soleil a passé!
Hier, j'étais folle quand je laissais Gérald seul
Copier pour moi
Les colliers d'or de leur petite idole,
J'ai senti tout à coup un indicible effroi!
Je le voyais tomber sans dire une parole…
C'était un rêve! Il est là…
ROSE
(avec malice)
Il n'a rien rapporté…
ELLEN
Tant mieux!
FREDERIC
Nilakantha s'est-il trompé?
GERALD
J'ai vu sa fille souriante,
Elle allait toute confiante,
Sur le ruisseau dormant,
Cueillir des lotus bleus.
Un scrupule m'a pris,
J'ai manqué de courage…
ELLEN
(tendrement)
Je vous en aime davantage!
(gaîment)
Tout me semble gai, ce matin!
MISS BENSON
Nous rentrons au palais/
ELLEN
J'adore ce tapage!
(Ellen, Miss Benson et Gérald sortent)
ROSE
(à Frédéric)
Elle ignore encore
Que vous partez demain tous les deux.
FREDERIC
(jouant l'étonnement)
Nous partons?
ROSE
On cache les nouvelles.
Mais votre régiment se rassemble ce soir…
FREDERIC
Une parade…
ROSE
Il va combattre des rebelles;
Ellen ne doit pas le savoir.
Son esprit qui s'emporte
Serait bouleversé!
Mais… moi… je suis plus forte…
Et… je n'ai pas de fiancé.
FREDERIC
Vous êtes tremblante…
ROSE
Pour Ellen… ma sœur…
FREDERIC
(à part)
Elle est ravissante!
ROSE
Ah! Ce vieillard encore!
Il me fait peur!
No. 9. Scène et stances
NILAKANTHA
C'est un pauvre qui mendie,
Une diseuse de chansons.
(Frédéric et Rose passent avec indifférence.)
Cette foule étourdie
S'éloigne quand nous passons!
Sous ce vêtement misérable
Voit-on le justicier qui poursuit un coupable!
Ces Anglais sentent-ils tout leur sang si figer
En lisant sur mon visage
Que je vais me venger!
LAKMÉ
(timidement)
Brahma nous défend-il d'oublier un outrage?
NILAKANTHA
L'outrage d'un étranger!
(Stances)
(avec beaucoup de tendresse)
Lakmé, ton doux regard se voile,
Ton sourire s'est attristé;
Comme on voit pâlir une étoile,
Une ombre assombrit ta beauté,
C'est que Dieu de nous se retire,
C'est qu'il attend la mort du criminel,
Mais je veux retrouver ton sourire,
Oui, je veux retrouver ton sourire,
Et dans tes yeux, et dans tes yeux
Je veux revoir le ciel!
Le cœur rempli d'ardentes fièvres,
J'ai voulu t'écouter dormir!
Un rêve passait sur tes lèvres
Et je voyais ton front rougir.
C'est que Dieu de nous se retire,
C'est qu'il attend la mort du criminel
Mais je veux retrouver ton sourire,
Oui, je veux retrouver ton sourire
Et dans tes yeux,
Et dans les yeux je veux revoir le ciel!
No. 9bis. Récitatif
LAKMÉ
Ah!
C'est de ta douleur que je me sens émue,
Ma gaîeté reviendra!
Vois,
Elle est revenue.
NILAKANTHA
(d'une voix contenue)
Si ce maudit s'est introduit chez moi,
S'il a bravé la mort pour arriver à toi,
Pardonne-moi ce blasphème,
C'est qu'il t'aime!
(avec beaucoup de sentiment)
Toi, ma Lakmé,
Toi, la fille des dieux.
Il va triomphant par la ville,
Nous allons retenir cette foule mobile,
Et, s'il te voit, Lakmé,
Je lirai dans ses yeux!
Affermis bien ta voix!
Sois souriante,
Chante!
La vengeance est là!
No. 10. Scène et légende de la fille du Paria
(Air de cloches)
LAKMÉ
(senza rigore di tempo)
Ah!
(Les Hindous se rapprochement peu à peu.)
NILAKANTHA
Par les dieux inspirée,
Cette enfant vous dira
La légende sacrée
De la fille du Paria…
LES HINDOUS
Ecoutons la légende, écoutons!
LAKMÉ
(presque en récitatif)
Où va la jeune Indoue,
Fille des Parias,
Quand la lune se joue
Dans les grands mimosas?
Quand la lune se joue
Dans les grands mimosas?
Elle court sur la mousse
Et ne se souvient pas
Que partout on repousse
L'enfant des Parias.
Elle court sur la mousse,
L'enfant des Parias;
Le long des lauriers roses,
Rêvant de douces choses,
Ah!
Elle passe sans bruit
Et riant à la nuit à la nuit!
Là-bas dans la forêt plus sombre,
Quel est ce voyageur perdu?
Autour de lui des yeux brillent dans l'ombre,
Il marche encore au hasard éperdu!
Les fauves rugissent de joie,
Ils vont se jeter sur leur proie
La jeune fille accourt et brave leurs fureurs,
Elle a dans sa main la baguette
Où tinte la clochette, où tinte la clochette
Des charmeurs.
(imitant la clochette)
Ah! ah! ah!
L'étranger la regarde,
Elle reste éblouie,
Il est plus beau que les Rajahs!
Il rougira s'il sait qu'il doit la vie
A la fille des Parias.
Mais lui, l'endormant dans un rêve,
Jusque dans le ciel il l'enlève,
En lui disant: ta place est là!
C'était Vishnou, fils de Brahma!
Depuis ce jour au fond des bois,
Le voyageur entend parfois
Le bruit léger de la baguette
Où tinte la clochette,
Où tinte la clochette
Des charmeurs.
(imitant la clochette)
Ah! ah! ah!
No. 11. Scène
NILAKANTHA
(récit.)
(à part)
La rage me dévore,
Il n'est pas venu,
Je l'aurais reconnu!
(à sa fille)
Chante! Chante encore!
LAKMÉ
(hésitante)
Mon père!
NILAKANTHA
Chante! Chante encore!
LES HINDOUS
Ah! chante encore!
(Quelques officiers paraissant au fond. Gérard et Frédéric sont avec eux.)
NILAKANTHA
(à mezzo voce)
Chante! chante!
LAKMÉ
(récit.)
Où va le jeune Indoue,
Fille des parias,
(Elle aperçoit Gérard qui ne l'a pas encore vue.)
(très émue)
Quand la lune se joue
Dans les grands mimosas…
NILAKANTHA
Encor!
LAKMÉ
Elle court sur la mousse et ne se souvient pas…
NILAKANTHA
Encor!
LAKMÉ
(se troublant de plus en plus)
…ah!
NILAKANTHA
Chante!
LAKMÉ
…ah!
NILAKANTHA
Encor!
LAKMÉ
(Poussant un cri en voyant Gérard qui s'approche)
Ah! ah!
GERARD
(s'élançant pour la soutenir)
Lakmé
NILAKANTHA
(s'emparent de sa fille)
C'est lui!
LES HINDOUS
Qui la trouble ainsi!
LAKMÉ
(cherchant à maîtriser son émotion)
C'est un mal que j'ignore,
Ce n'est rien!
C'est fini…
Je veux…
Je veux chanter encore.
(d'une voix faible)
Ah!
GERARD
La fille du Brahmane!
FREDERIC
Ici!
LAKMÉ
Ah!
NILAKANTHA
(à sa fille)
Ah! Brahma t'inspirait, l'étranger s'est trahi!
LAKMÉ
(faiblissant)
Ah!
GERARD
(avec émotion)
C'est Lakmé, c'est elle!
FREDERIC
Sois prudent.
GERARD
Laisse-moi!
Laisse-moi la revoir.
FREDERIC
On nous appelle!
GERARD
Attends!
LES HINDOUS
Les soldats! Les soldats!
FREDERIC
Par cette enfant es-tu donc retenu?
GERARD
Non! non!
(Ils s'éloignent.)
NILAKANTHA
(récit)
Je le connais!
Je le connais!
Dieu nous est revenu!
(Des soldats Anglais défilent au fond du théâtre, fifre et tambours en tête. La foule les accompagne et s'éloigne lentement. Le Brahmane et les conjurés se groupent sur le devant de la scène.)
No. 12 Scène et Chœur
NILAKANTHA
(mystérieusement aux conjurés)
Au milieu des chants d'allégresse,
Quand la foule suivra
Le cortège de la Déesse,
Mon regard le désignera.
Des siens séparant le coupable,
Sans bruit, pas à pas, vous irez.
CONSPIRATEURS
Des siens séparant le coupable,
Sans bruit, pas à pas, nous irons.
NILAKANTHA
Et dans un cercle infranchissable,
Lentement vous l'enfermerez.
CONSPIRATEURS
Et dans un cercle infranchissable,
Lentement nous l'enfermerons,
NILAKANTHA & CONSPIRATEURS
Lentement nous enfermerons.
CONSPIRATEURS
Lentement nous l'enfermerons.
NILAKANTHA
Alors éloignez-vous sans crainte.
Je serai là!
J'ai préparé mon bras pour cette tâche sainte,
Et c'est moi qui le frapperai!
Et c'est moi qui le frapperai!
CONSPIRATEURS
Des siens séparant le coupable,
Sans bruit, pas à pas, nous irons,
et dans un cercle infranchissable,
Lentement nous l'enfermerons,
Lentement nous l'enfermerons!
LAKMÉ
O mon père,
Je te suivrai.
NILAKANTHA
Non! mon cœur, qui n'a jamais faibli,
Se troublerait près de toi…
Non!
Reste, reste avec Hadji!
(Les conjurés et le Brahmane sortent lentement; Lakmé reste seule avec Hadji.)
No. 12bis. Récitatif
HADJI
Le maître ne pense qu'à sa vengeance.
Il n'a pas vu couler tes larmes,
ô maîtresse, mais Hadji était là.
Hadji sait lire sur les visages:
il sait quelle trace y laisse la douleur.
Il t'apparient et la vie d'Hadji ne compte pas.
Quand tu étais enfant, j'allais défier les tigres
dans les forêts sauvages pour cueillir
la fleur que tu aimais…
J'allais au fond de la mer chercher pour toi
une perle plus belle que toutes les perles.
Aujourd'hui tu es femme, ta pensée a d'autres caprices,
ton cœur a d'autres désirs.
Si tu as un ennemi à punir, parle!
Si tu as un ami à sauver, ordonne!
No. 13. Duet
GERARD
Lakmé! Lakmé!
C'est toi!
C'est toi qui viens à moi!
(avec ferveur)
Dans le vogue d'un rêve,
Je t'ai vue en passant,
Le voile se soulève
Et l'idole descend,
Je subis ta puissance,
Par ton charme enchaîné,
Et je vais sans défense
Vers le ciel entraîné.
LAKMÉ
(tristement)
Mon ciel n'est pas le tien
Le Dieu que tu révères
N'est pas celui que je connais;
Au mien si je te ramenais,
Tout les Hindous, nos frères,
Devraient te protéger.
(en hésitant un peu)
Tu ne courrais aucun danger!
GERARD
Viennent tous les dangers du monde!
Dans l'ivresse profonde
Où ma raison se perd,
Verrais-je sous mes pas
Un abîme entr'ouvert.
Quand de tes longs cheveux
doucement tu m'effleures?
LAKMÉ
(résolument)
Je ne veux pas que tu meures!
GERARD
(avec passion)
Ah! c'est l'amour endormi
Qui de son aile t'effleure,
Et ton cœur s'est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
Ah! c'est l'amour endormi
Qui de son aile t'effleure,
Et ton cœur s'est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
LAKMÉ
Hélas! c'est un ennemi
Dont le souffle ardent m'effleure,
Tout mon être a frémi,
Mais je ne veux pas qu'il meure!
Hélas! c'est un ennemi
Dont le souffle ardent m'effleure, ah!
Je ne veux pas qu'il meure!
GERARD
Ah! ton cœur s'est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
LAKMÉ
(mystérieusement)
Dans la forêt près de nous,
Se cache toute petite,
Une cabane en bambous
Qu'un grand arbre vert abrite,
Comme un nid d'oiseaux peureux,
Dans les lianes posée
Et sous les fleurs écrasée,
Elle attend des gens heureux,
Dans les lianes posée,
Et sous les fleurs écrasée,
Elle attend des gens heureux.
Elle échappe à tous les yeux,
Dehors, rien ne la révèle,
Le grand bois silencieux
qui l'enferme est jaloux d'elle,
C'est là que tu me suivras.
Toujours à l'aube naissante
Je reviendrai souriante,
Et c'est là que tu vivras!
GERALD
(répétant les paroles de Lakmé)
Toujours à l'aube naissante,
tu reviendras souriante
LAKMÉ
Je viendrai souriante
GERARD & LAKME
Et c'est là que tu vivras!
GERARD
(avec passion)
O douce enchanteresse,
Parle, parle toujours!
LAKMÉ
Ah! viens! viens! le temps presse
et les instants sont courts!
GERARD
Tu veux que je me cache,
Tu ne peux pas savoir
Qu'ici l'honneur m'attache,
L'honneur et le devoir.
LAKMÉ
Lakmé t'implore et te supplie!
GERARD
Demande moi plutôt ma vie!
LAKMÉ
Ai-je donc perdu mon pouvoir?
GERARD
Ah! Lakmé, tu pleures!
LAKMÉ
(avec beaucoup d'élan)
Je ne veux pas que tu meures!
GERARD
Ah! c'est l'amour endormi
Qui de son aile t'effleure,
Et ton cœur s'est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
Ensemble
LAKMÉ
Hélas! c'est un ennemi
Dont le souffle ardent m'effleure, ah!
Je ne veux pas qu'il meure!
GERARD
Tu ne veux pas que je meure!
Ah! ton cœur s'est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure,
Lakmé, que je meure!
LAKMÉ
Ah! je ne veux pas qu'il meure, qu'il meure!
C'est fini, les nôtres sont là!
Voici la déesse Dourga!
No. 14 Finale
Chant des Brahamanes
BRAHAMANES
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Les Brahmanes se dirigent vers la Pagode.)
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
Danse Sacré
Déesse d'or, entends nos voix,
Que ton bras nous protège.
Tu nous souris et tu nous vois
Saluant ton cortège.
Chant des Brahamanes
BRAHAMANES
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
Danse Sacré
Déesse d'or, entends nos voix,
Que ton bras nous protège.
Tu nous souris et tu nous vois
Saluant ton cortège!
(Les Brahmanes et les Bayadères
entrent dans la Pagode.)
ELLEN
Voyez cette ville en fête!
ROSE
Et ces cris, ces cris et ces hourras.
MISS BENTSON
Ils ont tous perdu la tête
Pour leur déesse aux dix bras!
ELLEN & ROSE
Ils ont tous perdu la tête
Pour leur déesse aux dix bras!
FREDERIC
(qui rejoint Gérard)
C'est pour admirer la Déesse
Que tu nous as quittés ainsi?
GERARD
(préoccupé)
Oui! leur fête m'intéresse.
FREDERIC
(souriant)
La fille du Brahmane a passé par ici.
GERARD
(éclatant)
C'est un fête, une folie
qui passe et qu'on oublie,
Mais dans mon cœur révolté
Je sens avec épouvante
Que Lakmé seule est vivante,
Je n'y vois que sa beauté!
BRAHAMANES dans la Pagode
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
FREDERIC
(gaîment)
Je te ferais une belle morale,
Si nous ne partions pas demain.
Mais le guerre a du bon,
Cette fille idéale
Ne sera plus sur ton chemin.
(Le cortège sort de la Pagode, escortant la statue de la Déesse Dourga.)
ELLEN, ROSE & MISS BENTSON
Comment fuir ce tapage?
Ils ont juré tous je le gage,
De nous étourdir du soir au matin!
BRAHAMANES
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
Déesse d'or, entends nos voix,
Que ton bras nous protège.
Tu nous souris et tu nous vois
Saluant ton cortège, ton cortège.
O Déesse, viens encor,
Viens, que ton bras nous protège.
Apparais, apparais ô Dourga! viens!
entends-nous, ô Dourga!
(Le procession sort.)
(Nilakantha désigne Gérard aux conjurés.)
GERARD
C'est un rêve, une folie
Qui passe et qu'on oublie,
Mais dans mon cœur révolté
Je vois avec épouvante
Que Lakmé seule est vivante,
Je n'y vois que sa beauté!
LAKMÉ
Ils l'ont tué!
Hadji!
Chut!
(Elle s'approche de Gérard et voit qu'il est seulement évanoui.)
Ils croient leur vengeance assouvie!
(se penchant vers Gérard)
Tu m'appartiens pour toujours,
Je ne vivais que de ta vie,
Dieu protège nos amours!
Dieu protège nos amours!
(Hadji and the bearers hurry Gérard away.)